Le record de longévité de 122 ans de Jeanne Calment pourrait ne jamais être battu
Le record de longévité de 122 ans de Jeanne Calment pourrait ne jamais être battu
Par Rémi Barroux
Dans une étude publiée dans « Nature », trois chercheurs expliquent que l’âge maximum auquel pourrait prétendre l’humain a été atteint et ne serait plus dépassable.
L’actuelle doyenne de la planète, Emma Morano, 116 ans, à Verbania, en Italie, le 13 mai 2016. | Antonino Di Marco / AP
Cent vingt-deux ans, c’est l’âge auquel la Française Jeanne Calment est morte le 4 août 1997 à Arles (Bouches-du-Rhône). C’est aussi l’espérance de vie la plus longue jamais atteinte. Un record de « super-centenaire » que plus personne ne devrait pouvoir dépasser, selon une étude publiée dans la revue Nature, à paraître jeudi 6 octobre.
Les chercheurs Xiao Dong, Brandon Milholland et Jan Vijg, de l’Albert Einstein College of Medicine, à New York, montrent que, si l’espérance de vie maximum a augmenté tout au long du XXe siècle, elle a atteint un plateau autour de 1980, avant de toucher un plafond. « Démographes et biologistes ont fait valoir qu’il n’y avait aucune raison de penser que l’espérance de vie maximum arrêterait de progresser, explique Jan Vijg. Mais notre étude démontre que cet âge maximum a déjà été atteint et que ce pic l’a été dans les années 1990. »
A l’appui de leurs dires, les auteurs de l’étude ont compilé les données démographiques d’une quarantaine de pays. Ainsi, en Suède, l’âge maximum de décès est passé de 101 ans durant les années 1860 à 108 ans dans les années 1990. En France, le nombre de personnes toujours vivantes après 70 ans a augmenté depuis 1900.
125 ans, une probabilité de un sur 10 000
« Si les limites biologiques n’existent pas (ou qu’elles n’ont pas été observées), la tranche d’âge connaissant la plus longue espérance de vie aurait dû augmenter », précise Jay Olshansky, professeur à l’école de santé publique de l’université de l’Illinois, à Chicago, dans un commentaire publié dans Nature. Or, après 100 ans, le gain d’espérance de vie a stagné puis décliné. En étudiant plus spécifiquement les centenaires et plus entre 1968 et 2006, dans les quatre pays (Etats-Unis, France, Japon et Royaume-Uni) comptant le plus de super-centenaires, ils ont daté cet effet de plateau vers 1997, soit l’année du décès de notre doyenne arlésienne. Leur modèle établit que la probabilité qu’une personne dépasse les 125 ans serait de moins de un pour 10 000.
En août 2014, une autre étude, de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport, avait déjà mis en évidence une limite dans l’espérance de vie chez l’homme. En étudiant les 1 205 super-centenaires (125 hommes et 1 080 femmes), la chercheuse Juliana Antero-Jacquemin avait ainsi observé qu’un plafond s’établissait autour de 115 ans. « Une barrière physiologique est en voie d’être atteinte, à la croisée des interactions entre un patrimoine génétique constant et un environnement qui se dégrade », avançait-elle, reconnaissant cependant la petite taille de l’échantillon.
Panneau britannique alertant les automobilistes de la présence de personnes âgées. | FlickR_rileyroxx
Interventions génétiques
Cette impossibilité à disposer d’un grand nombre de super-centenaires est un handicap, selon Hugo Aguilaniu, directeur de recherches au CNRS et à l’Ecole normale supérieure de Lyon. Mais, pour ce généticien, le travail des trois chercheurs de New York souffre d’un autre biais. « Cette étude démographique repose sur des données actuelles sur les êtres humains et ne prend pas en compte les avancées des travaux de la recherche contre le vieillissement par exemple », explique-t-il.
Or, des expériences ont déjà été faites sur des animaux proches de l’homme, tels des singes ou des souris, rappelle-t-il. « Les données expérimentales que l’on accumule chez les animaux tendraient plutôt à prouver, au contraire, que l’âge maximum d’espérance de vie n’est pas fixé. » Les auteurs semblent d’ailleurs le reconnaître, écrivant que « l’espérance de vie maximum est flexible et qu’elle peut être affectée par des interventions génétiques et pharmacologiques ».
Hugo Aguilaniu souligne une autre faiblesse de l’étude. « Les auteurs expliquent que la durée de vie n’est pas déterminée par une sélection génétique, ce qui est vrai. Mais ils avancent que l’âge maximum est atteint en fonction d’éléments extérieurs, d’une usure, comme pour une voiture, note-t-il. On ne peut appliquer cette théorie à un être vivant comme à l’inerte. »
Aujourd’hui, la doyenne de l’humanité est une Italienne âgée de 116 ans, Emma Morano. Mais d’autres revendiquent ce titre sans qu’il soit réellement possible de vérifier leur affirmation, tel Abah Gotho, un Indonésien qui prétend être né le 31 décembre 1870 et aurait donc 145 ans, ou encore Joao Coelho de Souza, un Brésilien qui revendique une naissance le 10 mars 1884, et afficherait donc 131 ans au compteur. Une chose est sûre : quel que soit le détenteur du record, les centenaires sont toujours plus nombreux sur la planète.