Poutine à Istanbul pour sceller la réconciliation avec la Turquie
Poutine à Istanbul pour sceller la réconciliation avec la Turquie
Par Marie Jégo (Istanbul, correspondante)
Le président russe et son homologue turc tentent de rapprocher encore leurs vues sur la Syrie, en dépit de leurs divergences sur Bachar Al-Assad.
Le président russe, Vladimir Poutine, au Kremlin, à Moscou, le 6 octobre. | YURI KADOBNOV / AFP
Le président russe, Vladimir Poutine, est attendu lundi 10 octobre à Istanbul, en tant qu’hôte de marque du 23e sommet mondial de l’énergie. Mais le moment fort de sa visite devait être l’entretien prévu, en marge du sommet, avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, au sujet de la Syrie.
Réconciliés après une brouille de huit mois, après la destruction d’un bombardier russe par l’aviation turque en novembre 2015, les deux dirigeants entendent ramener la relation à son niveau de jadis. « La Turquie est un voisin et un partenaire important pour nous. A cause de la crise, nos échanges commerciaux, d’un volume de 35 milliards de dollars en 2014 [31 milliards d’euros au cours actuel], ont chuté de 40 % pour les huit premiers mois de 2016. L’énergie est la clef du processus de normalisation », a expliqué Alexandre Novak, le ministre russe de l’énergie, à son arrivée en Turquie.
A Istanbul devrait être signé l’accord pour la construction du gazoduc Turkish Stream, sous la mer Noire, censé acheminer le gaz russe vers les consommateurs turcs. Destiné à transporter 30 milliards de m3 par an, le projet avait été annoncé en décembre 2014, après que Moscou eut dû renoncer au tracé South Stream conçu pour contourner l’Ukraine – sa construction avait été bloquée par l’Union européenne. L’autre projet énergétique majeur, d’une valeur de 20 milliards de dollars, concerne l’édification par Rosatom, le géant russe du nucléaire civil, de la première centrale nucléaire de Turquie à Akkuyu (région de Mersin, sud). Par ailleurs, des discussions sont en cours sur les prix du gaz livré à la Turquie, grande importatrice d’énergie.
Depuis l’envoi, en juin 2016, d’une lettre d’excuses de M. Erdogan, les deux dirigeants ont à cœur de rattraper le temps perdu. Moscou a levé l’embargo sur certains produits turcs, les compagnies aériennes russes ont été de nouveau autorisées à voler vers les stations balnéaires de la Méditerranée.
« Fin de partie » avec l’UE
Ce rapprochement est assorti d’une volonté d’arrondir les angles sur la Syrie, un sujet qui, jusqu’ici, empoisonnait les relations des deux voisins de la mer Noire. En marge du sommet, Vladimir Poutine rencontrera Recep Tayyip Erdogan en comité restreint pour évoquer le dossier syrien.
Toujours antagonistes sur le sort de Bachar Al-Assad, que Moscou veut maintenir à la tête de la Syrie, tandis qu’Ankara réclame son départ, les lignes ont bougé. Le dégel est favorisé par le délitement des relations que la Turquie entretient avec ses partenaires occidentaux, « une fin de partie », avait souligné, le 1er octobre, Recep Tayyip Erdogan en évoquant la relation avec l’Union européenne.
Ces derniers jours, les autorités turques se sont montrées moins virulentes dans leur condamnation des bombardements féroces de l’aviation russe sur les quartiers orientaux d’Alep, tenus par la rébellion qu’elles soutiennent. Et c’est avec l’assentiment du Kremlin que l’armée turque a pu pénétrer, le 24 août, dans le nord de la Syrie, en soutien à des milliers de rebelles anti-Bachar.
Trois objectifs majeurs ont été atteints depuis par Ankara : les djihadistes de l’organisation Etat islamique ont été chassés du périmètre contigu à la frontière turque, les rebelles kurdes ont été empêchés de faire la jonction entre leurs cantons, enfin, un « réduit » sunnite a été créé, prêt à accueillir les combattants et les réfugiés qui pourraient être chassés de l’est d’Alep, voué à la destruction totale d’ici « deux mois, deux mois et demi maximum », selon Staffan de Mistura, l’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie.