Vol de données : DCNS veut rassurer sur la nature des fuites
Vol de données : DCNS veut rassurer sur la nature des fuites
Par Nathalie Guibert
Le 24 août, le journal « The Australian » avait publié en ligne des extraits de 22 400 documents ayant trait au sous-marin Scorpène vendu récemment par DNCS à l’Inde.
Le site DCNS de Cherbourg-Octeville en 2014. AFP PHOTO/CHARLY TRIBALLEAU | CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Victime au cours de l’été dans la presse australienne d’une fuite massive de documents techniques sur ses sous-marins de type Scorpène, l’industriel DCNS s’est montré rassurant, à quelques jours de l’ouverture du salon Euronaval à Paris, rendez-vous majeur du secteur qui se tient du 17 au 21 octobre. « Nous avons analysé ce qui avait été publié, et d’où pouvaient provenir ces documents. Nous n’avons trouvé aucune information de type secret-défense, classifiée », a assuré le pdg du constructeur naval militaire français, Hervé Guillou, mardi 12 octobre.
Le 24 août, The Australian avait publié en ligne des extraits de 22 400 documents, datant de 2010-2011, ayant trait au sous-marin Scorpène vendu récemment par DNCS à l’Inde. Ces fuites sont intervenues après une compétition serrée qui a vu, en avril, l’Australie retenir DCNS pour des négociations exclusives en vue de renouveler sa flotte de guerre : un programme géant de 34 milliards d’euros pour 12 sous-marins, sur plusieurs décennies, qui doit couvrir la maintenance et la formation des équipages. Le constructeur français l’avait emporté contre l’allemand TKMS et un consortium japonais formé par Mitsubishi Heavy Industries et Kawasaki Shipbuilding Corporation.
De son côté, l’Inde s’est engagée à acquérir six Scorpène, des navires à propulsion classique non nucléaire, pour un montant de 2,7 milliards d’euros. Le premier sous-marin est en phase d’essai et New Delhi s’est alarmée à juste raison de voir la furtivité de sa future flotte remise en cause par les fuites de la presse australienne. Les documents publiés provenaient de manuels techniques et concernaient tous les systèmes du navire, antennes, communication, navigation, les lance-torpilles.
Une fuite liée au concurrent allemand
Pour M. Guillou, les fuites couvrent « essentiellement des informations commerciales, ou liées à la formation, les documents techniques ayant au maximum la classification « diffusion restreinte » ». DCNS a obtenu de la justice australienne, fin août, que le journal The Australian lui restitue l’intégralité des documents.
Le ministère de la défense français a lancé ses services de renseignement sur l’affaire. Aujourd’hui, selon plusieurs sources consultées par Le Monde, les responsables français ont acquis la conviction que la fuite australienne est venue d’une source liée au concurrent allemand de DCNS en Australie, TKMS.
La compétition s’exacerbe sur le marché export des sous-marins, où s’affrontent Français, Allemands, Italiens, Russes, Coréens, Chinois notamment. Après avoir convaincu le Brésil, la Malaisie et l’Inde, DCNS dit espérer vendre ses navires à la Pologne, en dépit du choc causé par l’annulation brutale, le 10 octobre, de la négociation par laquelle Varsovie s’était engagée à acquérir 50 hélicoptères Caracal à Airbus. La concurrence, également, « va être féroce pour la Norvège, nous allons nous battre comme des chiens », a souligné Hervé Guillou. Le gouvernement norvégien doit transmettre les spécifications des navires souhaités début 2017 et faire son choix mi-2018.
DCNS assure que l’affaire des fuites n’a pas entamé la confiance de l’Inde. « Je suis allé voir les autorités indiennes pour les rassurer. Nous avons constitué un groupe de travail sur le sujet avec eux », a précisé M. Guillou. Quant à l’Australie, la toute première étape du programme, relative la conception, a été signée fin septembre, l’américain Lockheed Martin ayant été de son côté choisi pour fournir le système de combat du sous-marin.