Bilan du débat de la primaire à droite : « C’était un peu le round d’observation »
Bilan du débat de la primaire à droite : « C’était un peu le round d’observation »
Alexandre Lemarié, journaliste chargé du suivi de la droite au « Monde » a répondu aux interrogations des internautes sur le bilan du débat de jeudi soir.
Quel bilan tirer de ce premier débat télévisé avant la primaire de la droite les 20 et 27 novembre ? Alexandre Lemarié, journaliste du Monde chargé du suivi de la droite a répondu à vos questions autour de ce rendez-vous politique diffusé jeudi soir.
Philippe : Le terme de « débat » n’est-il pas usurpé ? On a plus eu l’impression d’avoir une succession de questions/réponses que de réelles confrontations entre candidats.
Alexandre Lemarié : Effectivement, les candidats ont moins cherché à affaiblir leurs rivaux qu’à gagner des points en exposant leurs propositions. Avec un objectif principal : faire connaître leur projet au grand public. Chacun avait le souci de ne pas apparaître comme un « diviseur » aux yeux des électeurs et de ne pas dévaloriser le scrutin devant désigner le candidat de la droite pour la présidentielle.
Moon : Est-ce que, selon vous, les stratégies de communication de chacun des candidats ajoutées au format (une minute par candidat) n’étouffent pas les candidats qui de fait restent « plats ». J’ai eu l’impression d’assister à un jeu sans volonté de gagner, simplement « ne pas perdre ».
Alexandre Lemarié : Votre impression est très juste car les candidats ont effectivement donné l’impression d’être un peu paralysés par l’enjeu. Rappelons que c’était le premier débat télévisé et que pour la première fois, les prétendants se sont retrouvés côte à côte, sur le même plateau, avec plus de cinq millions de téléspectateurs scrutant chacun de leurs faits et gestes. La pression était donc très forte et la peur de commettre une lourde faute l’a emporté chez la plupart des candidats… Seuls Copé et Le Maire se sont montrés résolument offensifs pour tenter de marquer des points. Autre élément pouvant expliquer cette prudence : ce n’était que le premier débat télévisé et il en reste encore deux avant le premier tour. Hier soir, c’était donc un peu le round d’observation.
Thomas : Les programmes des candidats étant très similaires, la différence se fera-t-elle sur la personnalité ou l’expérience du candidat ?
Alexandre Lemarié : Peut-être. C’est en tout cas le pari de Juppé, qui espère s’imposer grâce à sa personnalité, en incarnant un homme rassurant et apaisant. Sarkozy, lui, met également en avant son expérience et son énergie. Mais à la différence de son rival, il espère plus faire la différence en « clivant » sur le fond. Autrement dit, en tenant une ligne à droite toute pour faire passer Juppé pour un modéré.
Rémi : Que pensez-vous de la prestation de Jean-Frédéric Poisson ?
Alexandre Lemarié : Il a clairement marqué des points hier soir pour une raison simple : étant « l’inconnu » de la primaire, il ne pouvait que gagner en notoriété.
Maliki kula : Je trouve que NKM se démarque face à ces vieux mâles gris empêtrés dans leurs mêmes discours poussiéreux. C’est la seule à avoir parlé des évolutions sociétales en cours.
Alexandre Lemarié : C’est en tout cas son objectif : seule femme sur le plateau hier soir, NKM cherche à incarner la modernité. En creux, elle cherche à faire apparaître ses rivaux comme des représentants de l’ancien monde. C’est aussi le positionnement de Bruno Le Maire, d’ailleurs, en se posant comme le candidat du « renouveau ». Dans son projet, NKM tente d’incarner cette modernité, en multipliant les propositions sur le numérique, la nouvelle économie comme Uber… Récemment, elle a affirmé dans un entretien au Monde : « Je veux incarner une droite de mouvement, celle qui regarde l’avenir avec optimisme. Je veux être la porte-parole d’une nouvelle société et construire une nouvelle France. Notre pays a besoin de visionnaires, pas de réactionnaires. »
Lolo : Alain Juppé, quoique favori, ne semblait pas afficher hier une dynamique présidentielle et avoir les épaules pour supporter le rôle désiré. Qu’en pensez-vous ?
Alexandre Lemarié : Grand favori des sondages, Juppé s’est montré prudent. Il a exposé ses fondamentaux, en veillant à ne pas prendre trop de risques. Pour une raison simple : c’est lui qui avait le plus à perdre ! Au final, le débat ne devrait pas lui permettre de creuser davantage l’écart sur Sarkozy mais pas le faire chuter non plus dans les sondages. Le statu quo devrait donc lui bénéficier. Avant le débat, son directeur de campagne avait résumé l’enjeu de cette manière : « Celui qui doit changer la donne, ce n’est pas Alain Juppé. Si c’est un match nul, c’est lui qui gagne ! »
Tutur : Bruno Le Maire a-t-il perdu sa place de 3e homme au profit de François Fillon, très à l’aise et convaincant hier ?
Alexandre Lemarié : Nous verrons dans les prochains jours, voire dans les prochaines semaines, si le débat d’hier soir a fait évoluer la hiérarchie entre les deux challengers. Avec son style pugnace et direct, M. Le Maire semble avoir marqué des points face à Fillon, qui a semblé tendu et s’est un peu perdu dans la technique des chiffres lors de la partie sur l’économie. En outre, le passage où M. Fillon a dû s’expliquer sur l’affaire Jouyet n’a pas été à son avantage.
Vote blanc : Y a-t-il eu des « annonces » faites pour la première fois hier par les candidats ? Par exemple, est-ce la première fois que Nicolas Sarkozy parle de mettre en détention provisoire qu’une « centaine » de fichés « S » jugés les plus dangereux. Est-ce que ce chiffre vous paraît fantaisiste (200 ou 900 ou plus…) ?
Alexandre Lemarié : Non, aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’y a pas eu d’annonce réellement novatrice hier soir de la part des sept candidats. Toutes les propositions qu’ils ont mises sur la table avaient déjà été exposées ces dernières semaines. C’est notamment vrai pour celle de M. Sarkozy visant à enfermer de manière préventive les fichés « S » les plus dangereux. Comme c’était le premier débat télévisé, devant plus de cinq millions de téléspectateurs, les candidats ont surtout cherché à faire connaître leurs principales idées au grand public. Sans chercher à faire de nouvelles annonces.
Encore vote blanc : Qu’en est-il de la dépénalisation du cannabis pour Bruno Le Maire ? Jean-François Copé lui a adressé un de ses petits missiles de la soirée en se référant à une page de son programme. « C’est faux Jean-François ! » Qui dit vrai ?
Alexandre Lemarié : Ce fut une sorte de faux débat car l’attaque de Copé était mensongère. Ce dernier a reproché à Le Maire de vouloir dépénaliser l’usage de cannabis, alors que le député de l’Eure ne le propose pas. Dans les 1 000 pages de son projet, M. Le Maire précise vouloir une « requalification de l’infraction de détention et de consommation de cannabis de délit à celle de contravention ». Rappel : la contravention est l’infraction la moins grave dans le code pénal, punie par une amende et relevant d’un juge de proximité ou du tribunal de police, alors que le délit est plus grave, peut entraîner la prison et relève du tribunal correctionnel.