Lille-I s’offre la bibliothèque universitaire du futur
Lille-I s’offre la bibliothèque universitaire du futur
Par Camille Stromboni
Lilliad, qui a ouvert ses portes à la rentrée à Villeneuve-d’Ascq, sera officiellement inauguré le 17 novembre.
MAGOZ
Ils ont tous le sourire. Benjamin Hanoune, chercheur en chimie à l’université Lille-I, qui trouve que « ça a de la gueule ». Léo, étudiant à l’Institut d’administration des entreprises (IAE), qui est venu rejoindre ses amis pour préparer un exposé : « C’est super-moderne : on a des prises électriques partout, du Wi-Fi, des salles pour travailler en groupe. » Mais le plus souriant est évidemment le maître des lieux, le conservateur Julien Roche, qui vient de porter sur les fonts baptismaux un projet de dix ans : Lilliad, le nouveau learning center innovation de l’université Lille-I, 12 000 mètres carrés, 100 000 documents, un vaste espace dédié à la valorisation de la recherche (« Xperium »), un centre de congrès avec deux amphithéâtres, une salle modulable pour les expérimentations pédagogiques (la salle Y) et 2 000 prises électriques. C’est l’achèvement d’un chantier de 35 millions d’euros, majoritairement financé par la région, qui condense toutes les missions de l’université : on y étudie, enseigne, recherche, et diffuse le savoir.
Lilliad, le « learning center innovation » de l’université Lille -I. | Camille Stromboni
Cette bibliothèque universitaire d’un nouveau genre se situe en plein cœur du campus de Villeneuve-d’Ascq, au sein de l’emblématique rotonde de l’ex-bibliothèque, désormais ceinte par un bâtiment en forme de vague. Elle sera inaugurée en grande pompe le 17 novembre, mais elle fait déjà quasiment le plein depuis son ouverture au public en septembre.
Tous les jours, plus de 3 000 étudiants et chercheurs convergent vers le bâtiment, pour se répartir sur les trois étages qui mixent les espaces et les ambiances. Mobilier épuré sur fond blanc, bouquets de canapés rouges, confortables sièges en cuir gris, poufs, « Sonic chairs » en forme d’œuf où l’on peut écouter de la musique, coins détente autour d’une machine à café, et surtout cinquante salles de travail, toutes dotées d’un écran où connecter ordinateurs, téléphones ou tablettes. « Une de nos priorités a été de favoriser l’interaction entre usagers, souligne Julien Roche. Notre équipement est vivant et doit avant tout permettre le travail en commun. » La sonorisation a été réfléchie au décibel près, pour éviter que les conversations des uns ne gênent les autres – c’est d’ailleurs une des nouveautés qui saisit le plus les habitués de l’ancienne bibliothèque, où le moindre pas sur le carrelage résonnait dans tout le bâtiment. « Il y a même une cafétéria », s’étonne une étudiante en informatique, habituée à la traditionnelle interdiction de boire et manger en bibliothèque.
« Un joyau dont il va falloir apprendre à se servir »
Si la partie semble bien engagée du côté des étudiants, reste à relever un autre défi : inciter les enseignants-chercheurs à s’approprier Lilliad. Non pas pour leurs recherches, qu’ils effectuent en grande partie de leurs laboratoires, en consultant les revues en ligne qui dominent dans le monde des sciences dites dures, mais pour l’enseignement. En somme, faire en sorte que l’appellation anglaise de learning center ne relève pas de la coquetterie moderniste, mais s’intègre totalement dans le projet éducatif : Lilliad est un espace dédié aux apprentissages.
C’est bien la fonction qu’attribue à ce lieu Frédéric Chirat, maître de conférences en biochimie et responsable du centre d’accompagnement pédagogique des enseignants de l’université. « Pour qui veut innover, nous avons maintenant un joyau dont il va falloir apprendre à se servir », se réjouit-il. Avec une collègue, il se prépare à expérimenter un cours sur des concepts complexes en utilisant la méthode de « l’apprentissage par problème ». Une approche qui consiste à donner une formule aux étudiants et à leur demander de remonter à la source pour trouver et expliquer les règles qui ont conduit au résultat. « Lilliad est le lieu parfait pour faciliter ces allers-retours entre le travail de groupe, la recherche d’informations en ligne, le recours à des ouvrages… »
Ils pourront utiliser pour cela la salle Y. Tables et tableaux à roulettes, cloisons modulables, rétroprojecteur… Tout est prévu pour agencer et réagencer le lieu au gré du besoin pédagogique. « L’innovation est difficile pour un enseignant-chercheur, explique Frédéric Chirat, car il faut à la fois maîtriser la nouvelle méthode mise en œuvre, tout en gérant les contraintes techniques. Ici, nous sommes libérés d’un possible bug d’Internet, d’un rétroprojecteur hors service ou encore d’un espace qui ne permet pas le travail en petit groupe. »
« Lilliad pourra contribuer à une meilleure réussite des étudiants, espère Jean-Christophe Camart, président de Lille-I. Même s’il faut être conscient que l’université ne pourra jamais mener 100 % de ses étudiants au diplôme, comme le font les filières sélectives. Une partie de nos étudiants ne sont pas là par choix ni réellement pour étudier. »
Pas de vertige technologique
Même à l’heure où les connaissances sont accessibles par tous et partout, le choix d’investir autant dans un lieu physique destiné à améliorer les conditions d’études ne fait aucun doute pour les équipes lilloises. « L’idée que le numérique ou les MOOCs [cours en ligne interactif] vont remplacer les cours traditionnels et balayer l’université est une fumisterie, affirme Julien Roche. Toutes les enquêtes que nous avons menées le montrent : les étudiants ont besoin d’un tiers lieu, un espace physique, de sociabilité, pour travailler et se retrouver. Le succès de Lilliad le prouve : les étudiants pourraient tout à fait se connecter à Skype pour préparer leurs exposés de chez eux, et pourtant nos salles de travail en groupe sont remplies du matin au soir ! »
Inutile non plus de céder au vertige technologique, l’important est surtout de rester au plus près de la demande. « Les premiers learning centers ont investi fortement en matériel informatique. Quinze ans plus tard, avec le cloud, un étudiant vient avec son ordinateur ou sa tablette et accède à ses documents de n’importe où », constate Julien Roche. Ce dernier a visité, depuis dix ans, les bibliothèques et learning centers les plus innovants dans le monde. Il s’apprête désormais à rendre la pareille : « J’ai des demandes du monde entier. »
Afin de comprendre le monde de demain pour faire les bons choix aujourd’hui, Le Monde vous donne rendez-vous à O21/s’orienter au XXIe siècle, à Lille (6 et 7 janvier 2017), Cenon (10 et 11 février), Villeurbanne (15 et 16 février) et Paris (4 et 5 mars).