Airbnb veut se transformer en agence de voyage
Airbnb veut se transformer en agence de voyage
LE MONDE ECONOMIE
La start-up californienne ambitionne de devenir une plate-forme de voyage, sur laquelle il sera possible d’acheter un billet d’avion, de louer une voiture et même de faire les courses.
Airbnb ne veut plus se contenter de vous louer une chambre ou un appartement lors de vos prochaines vacances. La start-up californienne ambitionne de devenir une « plate-forme de voyage », sur laquelle il sera également possible d’acheter un billet d’avion, de louer une voiture, de prévoir des activités et même de faire les courses. « Quasiment tous les aspects du voyage réunis au sein d’une même application », résume au Monde Brian Chesky, co-fondateur et patron de la plateforme.
Jeudi 17 novembre, en ouverture d’Open, son festival annuel réunissant environ 7 000 utilisateurs jusqu’à la fin de la semaine à Los Angeles (Californie), Airbnb a fait un premier pas dans cette direction. La société a dévoilé une nouvelle fonctionnalité permettant de réserver des « expériences ». Plus de 500 activités sont déjà disponibles dans douze villes, dont Paris, Londres, San Francisco ou encore Tokyo. Une quarantaine de destinations seront ajoutées l’année prochaine, notamment Marseille et sa région.
Chasser les truffes en Toscane
Ces expériences entendent se différencier de l’offre touristique actuelle. Elles ne sont pas proposées par des guides mais par des particuliers. « Elles sont immersives et participatives », ajoute M. Chesky. Exemples : observer les étoiles avec un astrophotographe à Los Angeles, visiter un atelier de broderie à Séoul ou encore chasser les truffes en Toscane. « Ces expériences fournissent un supplément d’authenticité », estime Alexandre Haulet, un artiste parisien impliqué dans la première phase d’essai.
Deux formats sont proposés : une activité de quelques heures ou un programme de trois jours autour d’une thématique. Contrairement à la location de logements, Airbnb exerce un contrôle sur ces offres. Si tous les utilisateurs peuvent soumettre une idée, chaque expérience doit d’abord être validée. La moitié des activités coûtent plus de 200 dollars par personne. Sur cette somme, la société prélève une commission de 20 %.
Ce n’est pas la première fois qu’Airbnb s’aventure sur ce terrain. En 2014, la plate-forme avait lancé une expérimentation pour permettre aux touristes de dîner chez l’habitant – reprenant à son compte l’offre de start-up comme EatWith et VizEat. Mais ce test n’avait pas été concluant. « Un repas seul ne suffit probablement pas », indique M. Chesky, qui souligne que la majorité des expériences de trois jours débutent par un dîner.
Parallèlement, Airbnb a présenté un nouvel onglet baptisé « Lieux ». Celui-ci centralise restaurants, cafés, musées, et autres points d’intérêt recommandés par les hôtes de la plate-forme. Pour se distinguer de la concurrence de Google Maps ou de Yelp, l’entreprise met en avant des guides thématiques réalisés par des experts. Elle propose également des « balades audio » dans quelques villes, en partenariat avec la start-up Detour, d’Andrew Mason, le co-fondateur de Groupon. Les premiers circuits parisiens seront disponibles au printemps.
Réservation de restaurants ou de billets d’avion
Ces ajouts ne représentent qu’une première étape. Au cours des prochains mois, Airbnb va intégrer une plate-forme de réservation de restaurants. La société a également annoncé sa volonté de proposer d’autres services, évoquant, sans fournir de détails, la location de voitures ou encore la réservation de billets d’avion. « C’est un projet à long terme », souligne M. Chesky. Objectif : se différencier des autres applications de voyage, « qui sont facilement interchangeables ».
Les nouveaux services ne sont pas seulement destinés aux touristes. Ils ciblent aussi les habitants de Paris, Los Angeles ou Londres. Airbnb espère les inciter à utiliser sa plate-forme plus souvent, même lorsqu’ils ne voyagent pas. « Nous multiplions les points d’entrées », indique son directeur général. Pendant la période de tests, seulement deux-tiers des expériences ont ainsi été réservées par des voyageurs. « Au lieu d’utiliser notre application une ou deux fois par an, vous l’utiliserez une fois par mois, voire une fois par semaine », prédit déjà M. Chesky.
Pour financer ses ambitions, Airbnb a emprunté un milliard de dollars en juin. En septembre, la start-up a aussi levé 555 millions de dollars auprès d’investisseurs, notamment de Google Capital, l’un des deux branches d’investissement du moteur de recherche. Lancé il y a deux ans, le projet de diversification occupe désormais près de 10 % des salariés. « C’est le futur d’Airbnb », assure M. Chesky, qui a délaissé une partie de ses responsabilités pour se consacrer à ce nouveau défi.
« La majorité de notre activité va encore provenir des logements pendant plusieurs années », nuance-t-il. Mais à terme, Airbnb espère bien créer de nouvelles sources de chiffre d’affaires. La tâche ne sera pas aisée face aux nombreuses applications et services permettant de réserver un vol ou un restaurant. Les enjeux sont d’autant plus grands que l’entreprise prévoit d’entrer en Bourse, peut-être dès l’année prochaine. Elle devra alors justifier sa valorisation de 30 milliards de dollars.
Des taxes collectées dans 200 villes
En se diversifiant, Airbnb cherche également à se mettre davantage à l’abri des évolutions de la réglementation. Ces derniers mois, la plate-forme a subi plusieurs revers majeurs. Au printemps, elle a été interdite à Berlin. Le mois dernier, le gouverneur de New York a signé une loi limitant sérieusement les locations de courte durée. Les utilisateurs d’Airbnb risquent désormais de fortes amendes. A San Francisco, de nouvelles mesures doivent être prochainement examinées par le Conseil municipal.
Dans ces villes, Airbnb est accusée de participer à la hausse des loyers en incitant des propriétaires à retirer leurs logements du marché de la location. La société répond que la majorité des hôtes font partie de la classe moyenne et ne génèrent qu’un complément de revenus. Face aux abus, elle met en avant la suppression de nombreuses annonces. « Au départ, nous pensions que la communauté pouvait se réguler toute seule, mais nous avons réalisé les limitations de cette approche », concède M. Chesky.
Comme Uber, Airbnb s’est lancée dans le lobbying. L’an passé, elle a recruté Chris Lehane, ancien conseiller de Bill Clinton. Depuis cet été, d’anciens maires de Philadelphie, Houston, Rome et Adelaïde l’aident à négocier avec les municipalités avec lesquelles le groupe prône des partenariats. « Nous collectons les taxes dans 200 villes. Et dans 700 villes l’année prochaine, fait valoir M. Chesky. Mais nous devons encore faire plus. »