Le Français Yannick Szczepaniak en 2009. | THIERRY ZOCCOLAN / AFP

La lutte française compte un médaillé de plus. Huit ans après sa cinquième place acquise sur le tapis des Jeux de Pékin, Yannick Szczepaniak a appris ce week-end qu’il récupérait la médaille de bronze à la suite du contrôle positif rétroactif du Russe Khasan Baroev. En Chine, le lutteur de la catégorie des – 120 kg avait été battu en demi-finale par Baroev avant de s’incliner lors de la petite finale. Aujourd’hui entraîneur de l’équipe de France junior, le Lorrain de 36 ans revient sur cette nouvelle inattendue.

Comment avez-vous appris la nouvelle de cette médaille de bronze surprise ?

Le CIO a communiqué une nouvelle liste d’athlètes positifs lors des Jeux de Pékin. Elle concernait notamment le lutteur qui m’avait battu en demi-finales. Plein de gens ont vu cela, ils ont relayé l’information sur les réseaux sociaux, certains m’ont appelé et d’autres m’ont envoyé des messages. J’ai été prudent au début, parce que la Fédération internationale n’était pas encore intervenue pour confirmer un éventuel reclassement. Il fallait avoir la garantie qu’elle en fasse bien un. Mon président [Alain Bertholom] a pris contact avec les instances dirigeantes et il s’est assuré que je récupérais cette médaille.

Huit ans après, quel sentiment prédomine ?

Il y a eu d’abord la surprise et puis, effectivement, on peut vite repenser à tout ce que l’on aurait pu vivre à ce moment-là. Aucun sportif n’aimerait vivre sa médaille de cette manière, mais je ne peux qu’être heureux, ça reste incroyable pour moi. Je rejoins mes collègues Steeve et Christophe sur le podium olympique (les frères Guénot, respectivement champion olympique et médaillé de bronze en 2008). C’était inespéré car j’avais fait le deuil de mes petites finales. A chaque fois, que cela soit aux championnats d’Europe, aux Mondiaux ou aux JO, j’ai perdu la petite finale.

N’y-a-t-il pas un regret quand vous voyez la médiatisation des médaillés olympiques en général ?

La joie prend le dessus assez rapidement. Les regrets sont inutiles. Il n’y a aucune garantie que les choses auraient été différentes avec une médaille. On peut toujours faire des suppositions mais ça ne m’apporte rien. Je ne peux pas changer cet état de fait. Je vois ce qui se profile devant. C’est un bonus inespéré. J’ai toujours été patient dans ma vie et j’en suis récompensé aujourd’hui.

Vous avez dû crouler sous les félicitations, en particulier celles des frères Guenot…

Ils m’ont immédiatement félicité. On a vécu toute notre carrière ensemble. Ils ont souvent vu ma détresse à côté de leur joie quand ils étaient médaillés. Ils sont vraiment très heureux pour moi, pareil pour Mélonin Noumonvi (champion du monde et vice-champion du monde). Les entraîneurs nationaux de l’époque, ainsi que l’ancien DTN [directeur technique national] Ghani Yalouz [aujourd’hui DTN de la Fédération française d’athlétisme], tout le monde m’a appelé. Le discours était : « Enfin la médaille que tu mérites et qui récompense ta carrière. »

Vous étiez lutteur dans la catégorie des – 120 kg. Il s’agit de la première médaille française chez les lourds en lutte. Est-ce que cela peut attirer plus de grands gabarits vers votre sport ?

Peut-être. Faudrait déjà que les gens aient envie de faire de la lutte tout simplement… En tout cas, ça montre que tout est possible. Je pense que le travail qu’est en train de faire le CIO [Comité olympique international] avec une lutte antidopage plus poussée est encourageant. Au final, il y a une justice. On peut se dire que l’on peut concourir avec les mêmes armes que les autres.

Avez-vous été contrôlé durant les Jeux de Pékin ?

Je ne m’en rappelle pas. Ce dont je me rappelle, c’est que j’étais un athlète du groupe cible de l’AFLD [Agence française de lutte antidopage]. Je sais que j’ai été testé avant, en stage de préparation, parce que j’étais avec Mélonin aux Etats-Unis et que les contrôleurs sont venus à 6 heures du matin. C’était donc surprenant. En 2008, je pense avoir été contrôlé quatre ou cinq fois.

Quels souvenirs avez-vous de cette demi-finale olympique et de votre adversaire ?

C’est un lutteur que je connaissais depuis très longtemps. On était déjà en junior ensemble. Je l’avais battu chez les jeunes, mais chez les seniors, il m’a toujours dominé. Il a été champion d’Europe, champion olympique et il fait vice-champion olympique en 2008. Lors de cette demie, je n’ai jamais été très loin de lui. Je perds 3-2 après un match très serré. Je me rappelle que le combat avait été respectueux sur le tapis. L’avenir nous montre que c’était moins fair-play que ce ça en avait l’air. Quatre ans après, je m’étais incliné d’un point contre lui pour la qualification aux JO de Londres lors d’un tournoi.

Aviez-vous des suspicions envers lui ?

Je n’avais pas de suspicions sur lui ou un autre. Le dopage fait partie des choses avec lesquelles on doit faire. J’espère que les générations futures en seront débarrassées. Si on commence à se trouver des excuses en se disant : de toute façon ils sont chargés, pourquoi s’entraîner ? Au même titre que l’arbitrage, la température, l’éventuel dopage des adversaires est un élément incontrôlable pour moi et donc je m’occupais de contrôler ce que je pouvais.

Votre cas peut-il être un exemple encourageant pour les jeunes lutteurs que vous entraînez ?

Pas mal de gamins m’ont envoyé des messages, ainsi que des personnes que je ne connais pas et d’autres que j’avais perdues de vue depuis des années. C’est gratifiant. J’espère que la lutte antidopage continuera dans ce sens et qu’ils arriveront à aller aussi vite que le développement des techniques de dopage, ou que les délais seront en tout cas moins longs. Le message à faire passer aux jeunes est qu’il y a une justice et que l’on peut vous rendre votre dû même après huit ans. J’estime que c’est bien mon dû car il n’a pas respecté les règles. Je n’ai pas triché et j’ai été lésé.