Réussite en licence : « Les enseignants sont plus attentifs à l’hétérogénéité des étudiants »
Réussite en licence : « Les enseignants sont plus attentifs à l’hétérogénéité des étudiants »
Par Séverin Graveleau
Qui-y-a-t-il derrière les faibles taux de réussite à l’entrée à l’université ? Les réponses de Cécile Lecomte, vice-présidente de l’université Rennes-I chargée de l’orientation.
Université Catholique de Lyon, Campus Saint Paul. Elèves dans l'amphi Aristote Lyon, Rhône, France, 27 septembre 2016 | © Bruno Amsellem / Divergence / © Bruno Amsellem / Divergence
Seulement 27,5 % des étudiants inscrits en première année à l’université en 2012-2013 ont décroché leur licence (bac + 3) en 2015 ; 40,1 % des nouveaux inscrits à l’université en 2014-2015 ont validé leur première année de licence. Les chiffres de la note ministérielle « Parcours de réussite aux diplômes universitaires », publiée mercredi 23 novembre, ressemblent à ceux des années précédentes. Rien n’aurait donc changé en matière de réussite en licence ?
Pas tout à fait selon Cécile Lecomte, vice-présidente en charge de l’orientation et de l’insertion professionnelle à l’université de Rennes-I, et nouvelle présidente de la Conférence universitaire en réseau des responsables de l’orientation et de l’insertion professionnelle des étudiants (Courroie).
Les taux de réussite en licence restent très faibles. Comment les expliquez-vous ?
Depuis vingt-cinq ans que j’enseigne à l’université, je n’ai jamais vu un étudiant « réussir » sans venir aux examens. Ce que je veux dire, c’est que ces chiffres, certes marquants, sont à prendre avec précaution. Les taux faisant le ratio « nombre de diplômés/nombre d’inscrits » incluent les étudiants qui abandonnent en cours d’année. Ce qui amène les observateurs à parler d’échec important, sans s’intéresser à la réussite individuelle. Or si on regarde les taux de réussite des étudiants présents aux examens, ils sont bien meilleurs. Et les enquêtes sur le devenir à N + 1 des étudiants absents aux examens montrent qu’une grande majorité d’entre eux s’est finalement inscrite dans une autre formation.
L’université peut-elle aujourd’hui accueillir et faire réussir « tous » les étudiants ?
L’université fait sa mission de service public en accueillant tous les étudiants et en donnant sa chance à chacun. Avec la massification de l’enseignement supérieur, elle accueille aujourd’hui un public plus diversifié, avec entre autres plus de bacheliers technologiques et professionnels. Le point d’attention à avoir est donc celui de l’orientation en amont. Mais une fois qu’ils sont à l’université, nous avons la responsabilité de les accompagner, en soutenant ceux qui ont des difficultés, et en accompagnant ceux qui changent de voie.
Nous y arrivons déjà mieux qu’avant, et cela va continuer. La multiplication des conventions entre les universités et les lycées à l’œuvre depuis 2015 va contribuer à mieux faire connaître l’enseignement supérieur aux lycéens et ainsi améliorer leur orientation. De même, la spécialisation progressive en licence initiée en 2014 doit permettre aux étudiants de retarder l’heure du choix, de modifier et d’affiner leur parcours de formation au fil des années. Tout comme le développement, récent, de l’année de césure.
Que reste-t-il du plan pour la réussite en licence, lancé par Valérie Pécresse en 2008 ?
Les 730 millions d’euros sur cinq ans de ce plan ont donné une formidable impulsion dans les universités, qui ont pu mettre en place de nombreux dispositifs d’accompagnement, de réorientation, de tutorat, etc. Avec la fin de ce plan, et les budgets restreints des universités qui doivent depuis faire face à un afflux massif d’étudiants, ces dispositifs sont certes plus rares aujourd’hui, mais la dynamique est toujours là.
Je crois que les compétences d’écoute et de compréhension des parcours étudiants, ainsi que la capacité à les faire rebondir, développées par les équipes dans le cadre de ces dispositifs, imprègnent plus qu’avant l’offre de cours et le travail des équipes sur le terrain. Les enseignants sont aussi plus attentifs à l’hétérogénéité des étudiants. Le fait que l’insertion professionnelle des étudiants soit aujourd’hui la troisième mission des universités alimente aussi ce mouvement de fond. Tout cela relève aujourd’hui avant tout d’un engagement fort des enseignants et des équipes qui ont, chevillés au corps, l’envie de faire réussir tout le monde. Mais il est certain qu’on ferait mieux si on avait plus de moyens.