Qui dit changement de statut dit changement d’exposition. Relativement préservé tant qu’il était considéré comme le troisième, voire le quatrième homme de la primaire, François Fillon est sous le feu des critiques depuis qu’il a terminé largement en tête du premier tour de la primaire dimanche 20 novembre. Et si certaines piques sont fondées, des rumeurs exagérées, voire malhonnêtes, circulent également. Florilège.

1. Il voudrait créer un « statut de la femme au foyer »

CE QUE DIT LA RUMEUR

« Est-il vrai que Fillon souhaite promouvoir le statut de femme au foyer ? », nous a demandé une internaute lors d’une séance de questions-réponses sur les programmes des deux finalistes de la primaire, reprenant une rumeur qui a circulé sur les réseaux sociaux.

POURQUOI C’EST FAUX

Malgré nos recherches, nous n’avons pas retrouvé trace de déclarations de François Fillon sur un prétendu « statut de la femme au foyer ». Cette allégation vient en fait d’une vidéo qui a circulé sur Twitter d’un meeting à Metz. Le candidat y dit qu’il veut « aider les mères de famille en leur reconnaissant une fonction, un statut qui correspond au travail qui est le leur ».

Il y a en fait, semble-t-il, eu confusion autour des propos de François Fillon, de son propre fait ou de ceux qui l’ont écouté. Aucune trace d’une telle mesure dans son programme pour la liberté des femmes ou la famille. Contacté, le responsable du programme du candidat, Serge Grouard, assure également qu’il n’est pas question de créer un « statut de la femme au foyer ».

En revanche, il aborde des problématiques liées au monde du travail dans la rubrique « Femmes » de son programme, où on lit notamment ceci :

« Comment voulez-vous qu’une mère participe à une réunion prévue à 17 heures quand elle doit aller chercher son enfant à la même heure ? Je propose pour cela d’encourager le télétravail, comme cela se fait dans de nombreux pays. »

On peut estimer qu’il s’agit d’une conception réductrice de la place de la femme, qui serait trop vite renvoyée à son rôle de mère. Mais évoquer les problématiques liées au cumul des fonctions parentales avec une activité n’est pas la même chose que de proposer un « statut de la femme au foyer », à la manière de Marine Le Pen, qui a publiquement envisagé de verser un revenu aux mères qui font le choix de ne pas travailler pour élever leurs enfants.

2. Il voudrait « revenir sur le droit à l’avortement »

CE QUE DIT LA RUMEUR

Une prétendue citation extraite du « site officiel » du candidat a circulé sur les réseaux sociaux. On y lit notamment ceci :

« On ne peut malheureusement pas appuyer sur un bouton et faire disparaître l’IVG. Celui qui dit ça aujourd’hui sait très bien que ça ne se fera pas demain. Il faut faire un travail de reconquête intellectuelle, culturelle et spirituelle pour pouvoir aller plus loin. Et pour ça, une fois encore, il faut les digues que nous entendons bâtir aux côtés de François Fillon. »

POURQUOI C’EST TROMPEUR

En réalité, si on peut trouver ces phrases sur le site de François Fillon, elles ne sont pas de lui, mais d’un entretien de Christophe Billan, président du courant Sens commun, incarnation de La Manif pour tous au sein des Républicains, à Famille chrétienne.

Sens commun soutient le candidat Fillon, qui a montré certaines ambiguïtés sur le sujet. Il a ainsi d’abord affirmé que l’avortement était « un droit fondamental », avant d’y revenir, devant Sens commun, en précisant : « Ce n’est pas ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire, c’est que c’est un droit sur lequel personne ne reviendra. Philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l’avortement. »

Une position volontairement floue, selon l’entourage de M. Fillon, qui a confié au Monde que les réserves affichées du candidat plaisent à l’« électorat de droite »… Tout en assurant qu’il n’a aucunement l’intention de revenir sur l’IVG.

3. Il aurait « inauguré une mosquée salafiste à Argenteuil »

CE QUE DIT LA RUMEUR

Invité de Public Sénat, mardi 22 novembre, le secrétaire général du Front national, Nicolas Bay, a attaqué M. Fillon sur une supposée complaisance vis-à-vis de l’islam radical, avec cet argument :

« François Fillon, c’est lui qui, premier ministre, a organisé l’islam radical au cœur de la République dans le cadre du Conseil français du culte musulman (CFCM). C’est lui qui, premier ministre, a inauguré une mosquée, en l’occurrence la mosquée d’Argenteuil, qui s’est révélée être un fief des islamistes. »

POURQUOI C’EST FAUX

Les deux arguments sont infondés ; d’abord, le CFCM n’a pas été créé alors que François Fillon était premier ministre, mais en 2003, quatre avant son arrivée à Matignon ; il est par ailleurs assez osé de qualifier, sans étayer cette accusation, le CFCM d’être une sorte de cheval de Troie de l’islamisme radical au cœur de la République.

Quant à la mosquée Al Ihsan d’Argenteuil, elle a effectivement été inaugurée par François Fillon en 2010. L’intéressé ne le cache pas, il en a même parlé sur son blog. Accusant ce lieu de culte d’être un fief des islamistes, Nicolas Bay se garde bien là aussi d’appuyer son propos sur des faits concrets. Contacté, le secrétaire général du FN n’a pas donné suite à nos sollicitations pour l’heure.

De ce que l’on sait de ses positions, l’imam local, Nabil Guettaf, est pourtant clairement engagé dans la lutte contre la radicalisation. C’est ainsi précisément dans cette mosquée que les imams du Val-d’Oise se sont réunis en novembre 2015, après les attentats de Paris et de Saint-Denis, pour préparer un prêche commun. Voici ce qu’il déclarait alors à France 2 au sujet des terroristes :

« Ces gens-là veulent créer les divisions entre nous et le voisin. Nous ne devons pas tomber dans ce piège et nous devons préserver la fraternité humaine. »