Etudes de médecine : les cursus alternatifs restent méconnus
Etudes de médecine : les alternatives à la Paces restent méconnues
Par Séverin Graveleau
Un premier bilan des expérimentations d’alternatives à la première année de santé, que « Le Monde« s’est procuré, note un « déficit d’attractivité » de ces dispositifs.
Au centre hospitalier Annecy Genevois, en novembre. | JEAN-PIERRE CLATOT / AFP
Les alternatives à la première année commune aux études de santé (Paces), qui s’achève par l’ultrasélectif concours de médecine, fonctionnent-elles ? Un bref rapport, dont Le Monde a pris connaissance, dresse un premier bilan des expérimentations lancées depuis 2013, alors que le ministère de l’enseignement supérieur vient d’appeler les universités à lui soumettre de nouveaux projets d’expérimentation.
85 % d’échecs pour ceux qui effectuent leur première année de Paces ; 75 % si l’on inclut les redoublants : ces « jeunes excellents bacheliers sont pour la majorité d’entre eux rejetés sans aucun diplôme par l’Université deux ans plus tard », rappelle, au début de sa « contribution », l’ancien président de l’université d’Angers Jean-Paul Saint-André.
Trois modèles d’expérimentations
Parmi les dix universités participant à ces expérimentations, qui en sont seulement à leur première ou deuxième année de fonctionnement, le rapport distingue trois types d’admissions.
- Le modèle AlterPaces
Mis en place à Paris-V, Paris-VII, Paris-XII, Poitiers, Saint-Etienne, Strasbourg et Tours, ce modèle s’appuie sur des licences déjà existantes (sciences de la vie, physique, chimie,…) avec lesquelles il crée des passerelles en fin de L2 ou de L3. Selon les dispositifs, entre 5 % et 30 % des places en médecine et dentaire fixées par le numerus clausus sont réservées à ces étudiants, après une épreuve orale d’admission. Ceux qui échouent ne « perdent » donc pas d’années d’études et peuvent continuer leur cursus.
- La création d’une licence « sciences pour la santé »
Expérimentée à Clermont-Ferrand et à Rouen, cette alternative à la Paces ressemble au modèle AlterPaces, mais elle repose sur une licence nouvelle, dans laquelle les étudiants peuvent poursuivre faute d’obtenir une passerelle vers les études de santé.
- Le modèle « PluriPass »
Expérimenté à Angers, ce modèle diffère complètement des deux autres : l’année de Paces est complètement supprimée. Les étudiants suivent un parcours pluridisciplinaire de deux ans, à l’issue duquel ils peuvent continuer dans une L3 s’ils n’ont pas été sélectionnés en fin de L1 ou au milieu de leur L2 pour poursuivre en études de santé.
Suppression du redoublement et maturation du projet d’études
Parmi les points positifs ressortant de ces expérimentations, Jean-Paul Saint-André note logiquement la suppression du redoublement, dont « l’absence d’intérêt pédagogique est bien connue ». Dans les trois modèles, les étudiants peuvent en majorité continuer en deuxième année et/ou en troisième année de licence s’ils ne sont pas admis en études de santé, ce qui « règle les problèmes de capacités d’accueil en Paces [et] représente une économie substantielle pour les universités et surtout pour les familles », note le rapport.
Selon Jean-Paul Saint-André, ces expérimentations permettent aussi à certains étudiants de « maturer un projet d’études et un projet professionnel inaboutis au moment de la première inscription à l’université ». Cet aspect est d’autant plus important dans le cadre du dispositif angevin PluriPass, où les étudiants sont invités, en L1, à élaborer un deuxième projet professionnel, au cas où ils échoueraient à rejoindre le cursus en santé.
Déficit d’attractivité et diversification des profils en attente
Dans son rapport, Jean-Paul Saint-André note cependant un « déficit d’attractivité » de ces dispositifs. « Les effectifs étudiants engagés dans les différents AlterPaces sont faibles », ceux qui se présentent effectivement aux épreuves d’admission « encore plus faibles, avec un taux de succès de l’ordre d’un tiers ». Il cite le cas de Tours, où, pour la première promotion de l’AlterPaces (2015-2016), le nombre maximal de places disponibles était de trente-six, et pour lesquelles seulement onze personnes ont été admises (sur cinquante-cinq inscrites). Pour expliquer ce manque d’attractivité, l’auteur interroge la « lisibilité » de filières qui représentent « une part très faible du numerus clausus », ainsi que « la façon dont elles sont identifiables sur le site Admission post-bac (APB) ».
Enfin en matière de diversité des profils entrant en études de santé, l’efficacité de ces dispositifs alternatifs reste encore à prouver. Dans le cadre de PluriPass à Angers, par exemple, « la quasi-totalité des admis dans les filières santé sont des bacheliers S avec mention », lesquels sont aussi les étudiants qui réussissent le mieux en Paces.
Moyens supplémentaires et hausse du numerus clausus
En vue de la relance des expérimentations, le rapporteur estime qu’« il serait cohérent qu’une partie des 1 000 postes prévus pour 2017 dans le plan quinquennal de création d’emplois pour l’enseignement supérieur » leur soit réservée. Car, précise-t-il, « il est évident que la mobilisation des énergies et la conduite de projet nécessitent des moyens supplémentaires ».
De même, afin d’accentuer la lutte contre le redoublement en Paces, le rapport préconise de prévoir une ou deux années « transitoires » d’augmentation des numerus clausus afin « que les étudiants engagés dans le cursus bénéficient de deux chances, sans pour autant pénaliser les nouveaux bacheliers ». Le ministère de la santé a annoncé la semaine dernière une augmentation de ce numerus clausus de 478 places dès cette année, ciblée sur certaines facultés, pour lutter contre les déserts médicaux.