L’Assemblée vote un durcissement de la taxation de l’économie collaborative
L’Assemblée vote un durcissement de la taxation de l’économie collaborative
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale adopté lundi prévoit d’assujettir au régime social des indépendants les particuliers qui dégagent d’importants revenus de plates-formes, comme Airbnb ou Ouicar.
Un logo d’Airbnb à Los Angeles, en Californie, en novembre 2016. | Joe Scarnici / AFP
Faute d’un accord entre les deux chambres, c’est par un vote à mains levées que l’Assemblée nationale a adopté en lecture définitive le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017. Parmi les différentes mesures incluses dans ce texte – qui prévoit avant tout de ramener le déficit du régime général de la Sécurité sociale à 400 millions d’euros l’an prochain – figure une disposition, à l’article 10, qui intéressera particulièrement les particuliers qui ont pris l’habitude de louer leur appartement sur Airbnb ou leur voiture sur Drivy ou Ouicar… et en dégagent d’importants revenus.
Le texte dispose qu’au-delà d’un certain niveau de revenus annuels retirés de la location de leur logement (plus de 23 000 euros annuels) ou de biens meubles, comme leur voiture (plus de 7 720 euros par an), les particuliers seront contraints de s’affilier au régime social des indépendants (RSI) et de payer des cotisations sociales. Coût pour les particuliers : 25 % de charges, auxquelles s’ajoutent les impôts sur les revenus.
« Les activités lucratives réalisées sur des plates-formes n’étant pas différentes de celles des mêmes activités réalisées dans le cadre de l’économie plus traditionnelle, il n’y a pas lieu de créer un nouveau régime d’affiliation ou d’assujettissement », fait valoir l’exposé des motifs de ce texte. C’est l’épilogue d’un feuilleton qui dure au moins depuis la rentrée, quand la ministre de la santé, Marisol Touraine, avait détaillé cette proposition lors de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le 23 septembre.
Taxer davantage l’économie collaborative
Le 26 octobre, l’article 10, soumis au vote des députés, est rejeté malgré les tentatives du secrétaire d’Etat chargé du budget, Christian Eckert, de négocier un accord. Tout en défendant une disposition visant à ne pas « laisser s’installer des usages parfois hors du droit », il se dit prêt à accepter une réévaluation, voire un doublement, des seuils de revenus à partir desquels les particuliers devraient être assujettis au RSI, mais l’article est rejeté par 18 voix contre 14, notamment sous la pression des écologistes. A l’époque, la proposition inspire des critiques de tous bords. Ainsi, l’écologiste Jean-Louis Roumegas estimait qu’on allait rater « l’essentiel de l’économie collaborative. Cela permet de conserver son petit appartement, de payer ses charges. On va tuer tout cela pour des lobbys professionnels ». Dans le même temps, Dominique Tian (LR) renchérissait : « C’est invraisemblable de rendre obligatoire l’affiliation au RSI pour les particuliers qui louent leur voiture, leur camping-car, ou leur bateau », alors que « ce n’est qu’un complément de revenus ». Pourtant dans les heures qui suivent, un nouveau vote est organisé, avec un seuil pour les biens meubles rehaussé de 3 860 euros à 7 720 euros, et l’article est adopté.
Cette nouvelle disposition s’ajoute à d’autres initiatives pour taxer davantage ou plus efficacement l’économie collaborative. Le 30 novembre, la commission des finances de l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité un amendement imposant aux plates-formes Internet de l’économie collaborative de déclarer à l’administration fiscale les montants des transactions effectuées par leurs utilisateurs, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2016. De son côté, le gouvernement avait dévoilé à la fin de l’été une « instruction » précisant la manière dont les internautes devraient déclarer les revenus réalisés sur Internet.
L’économie collaborative est particulièrement prospère en France, avec un chiffre d’affaires annuel estimé à 3,5 milliards d’euros, appelé à tripler d’ici à 2018. En 2013, ce mode de consommation était déjà pratiqué par plus d’un Français sur deux.