TV: Crime, mensonges et politique
TV: Crime, mensonges et politique
Par Philippe-Jean Catinchi
Avec soin et rigueur, Francis Gillery démonte la fable officielle autour de l’assassinat de Jean de Broglie (sur France 3 à 23 h 25).
De Broglie | © Amaury Brumault
De Broglie, Boulin, Fontanet. Trois ministres de la Ve République qui moururent sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981) dans des circonstances opaques, assassinés pour deux d’entre eux, trois peut-être. Le premier de ces crimes a pour victime l’un des cofondateurs du mouvement des Républicains indépendants, dont il était devenu le très efficace trésorier.
Député de l’Eure, le prince Jean de Broglie, personnage de haut lignage qui avait défait Pierre Mendès France aux élections législatives de 1962 et tant fait pour l’ascension politique de Giscard, est abattu le 24 décembre 1976 devant le n° 2 de la rue des Dardanelles, près de la porte Maillot, à la stupéfaction de la classe politique. C’est le public qui est sidéré à son tour lorsque le ministre de l’intérieur, Michel Poniatowski, violant le secret de l’instruction et bafouant la présomption d’innocence, déclare cinq jours plus tard l’affaire élucidée, arguant d’une obscure histoire de prêt entre le député et son conseiller fiscal. Circulez, il n’y a rien à voir. Pas si sûr…
Dès le 12 janvier, Le Monde évoque un autre scénario, bien plus plausible, impliquant une société écran, sise au Luxembourg, la Sodetex, qui renvoie à une collusion avec les milieux franquistes espagnols compromis dans le scandale politico-financier de la Matesa, et dont de Broglie aurait été l’interlocuteur pour financer son parti.
Valéry Giscard d'Estaing (à droite) | Non affecté
Avec un soin et une rigueur qui faisaient déjà le prix – et le vertige – de La Double Mort de Pierre Bérégovoy (2008), Francis Gillery démonte la fable officielle, qui ne tient pas mais que nul ne remet vraiment en cause, même à l’heure du jugement des présumés coupables, aux premiers jours de l’ère Mitterrand.
Incohérences, contradictions, mensonges, tout éclate au grand jour à l’écoute des protagonistes, témoins, journalistes, avocats et politiques – si on entend Gérard Longuet, on attend en vain un propos de Giscard d’Estaing, un des rares survivants de cette ténébreuse affaire, et dont le père Edmond, par l’intermédiaire du sulfureux homme d’affaires Raoul de Léon, collaborateur notoire et proche de l’Opus Dei, apparaît furtivement dans le champ… Une affaire d’Etat autant qu’un cas d’école sur la pratique politique de ce septennat.
L’Assassinat de Jean de Broglie, une affaire d’Etat, de Francis Gillery (Fr., 2016, 70 min).