Singapour, un modèle de réussite des élèves ?
Singapour, un modèle de réussite des élèves ?
La cité-Etat asiatique a obtenu le plus haut score dans l’enquête PISA, qui évalue des acquis des élèves de 15 ans dans 72 pays de l’OCDE. Faut-il pour autant s’inspirer de son système éducatif ? Revue de presse, par « Courrier Expat ».
Des élèves de Singapour, pays à nouveau distingué par l’enquête PISA de l’OCDE sur les acquis des jeunes de 15 ans. | David Loh/REUTERS
Singapour, champion de la réussite scolaire, est-il pour autant un exemple à suivre ? La cité-Etat du sud-est asiatique obtient le plus haut score de la grande enquête PISA sur les acquis des élèves de 15 ans, publiée la semaine dernière, qui porte sur les sciences, des mathématiques et de la compréhension de l’écrit. Alors qu’en moyenne, dans les soixante-douze pays de l’OCDE, un élève sur dix obtient de très bons résultats en sciences, c’est le cas d’un élève sur quatre à Singapour…
Bonne connaisseuse du pays, la sociologue Amanda Wise explique ce succès par un investissement massif dans le système éducatif, qui met résolument l’accent sur l’excellence. « Une conception hautement compétitive de la scolarité y constitue la norme. Et le succès dans les classements internationaux, notamment l’enquête PISA, est une composante importante de la “marque” Singapour », relève-t-elle sur le site australien The Conversation.
Le marché du soutien scolaire privé
Un aspect de ce système éducatif n’est cependant pas assez souligné, selon elle : 60 % des élèves du secondaire et 80 % des élèves du primaire y suivent des cours particuliers dans des établissements privés, où ils suivent au minimum trois heures de cours par semaine ; 40 % des enfants d’âge préscolaire suivent de cours particuliers par semaine ; 850 collèges privés sont dédiés au soutien scolaire (dans un pays de 5,6 millions d’habitants), avec un marché du soutien scolaire qui pèse aujourd’hui 1,1 milliard de dollars singapouriens (72,65 millions d’euros) – un chiffre qui a presque doublé en dix ans.
Dans le quotidien local The Straits Times, Kelvin Seah Kah Cheng, chercheur à l’université nationale de Singapour, pointe un paradoxe : une analyse fine des résultats obtenus par les jeunes Singapouriens lors de l’édition 2012 de l’enquête PISA montre que les élèves ayant bénéficié de cours particuliers ont été plutôt moins performants que les autres.
A cela, trois explications possibles, entre lesquelles le chercheur ne tranche pas : les élèves avaient suivi des cours particuliers précisément parce que leurs résultats scolaires étaient insuffisants ; trop d’heures de cours chaque semaine ont eu un effet négatif ; le recours au soutien scolaire a pu induire un relâchement de l’attention en classe, qui a porté préjudice à ces élèves. Prudent, il ne conclut pas à l’inutilité des cours particuliers : « Ils peuvent avoir un effet positif, selon la personnalité de l’enfant, la qualité de l’enseignant qui les dispense et la façon dont l’élève réagit. »
La pression de l’examen de fin d’études primaires
Toujours dans le quotidien The Straits Times, la journaliste Sandra Davie enfonce le clou : « L’enquête PISA ne montre aucune corrélation positive entre les cours particuliers et la performance des élèves. » Mais surtout, elle évoque, parmi « ce qui ne marche pas » à Singapour, selon elle, le Primary School Leaving Examination (PSLE), cet examen de fin d’études primaires qui suscite tant de stress chez les enfants comme chez les parents. C’est lui qui motive un recours si précoce aux cours particuliers. Car les résultats au PSLE déterminent l’inscription dans les meilleurs collèges, ceux qui donnent accès aux prestigieuses universités singapouriennes.
« Beaucoup de parents se demandent si les enfants doivent vraiment être soumis dès l’âge de 12 ans à un examen aussi sélectif et aussi déterminant pour leur orientation dans le secondaire », écrit la journaliste. Selon elle, Singapour devrait plutôt s’inspirer de pays qui obtiennent eux aussi d’excellents résultats dans l’enquête PISA, comme l’Estonie, la Finlande ou le Canada, mais où l’orientation vers les filières professionnelles ou universitaires n’intervient pas avant 15 ou 16 ans.
Orienter aussi tôt certains enfants vers l’enseignement professionnel ou des filières moins exigeantes ne saurait avoir à terme qu’un effet, souligne Sandra Davie, « accroître l’écart entre les enfants issus de familles fortunées et les plus pauvres ».
Jean-Luc Majouret (Courrier International)
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