Petits, bon marché, facilement trouvables et surtout passionnants, les mangas font de beaux cadeaux de Noël, l’idéal pour les idées de dernière minute. Sélection parmi les sorties de ces derniers mois.

« Real Account » – « Battle royale » à l’ère Twitter

Le réseau social « Real Account » se matérialise sous forme d’arène. | Kurokawa

Ataru n’a pas d’amis au lycée, mais il en a sur Real Account, le réseau social ultrapopulaire, où il passe une bonne partie de ses journées. Quand soudain, le virtuel devient réel : comme des milliers d’autres utilisateurs, il se retrouve téléporté dans l’application, matérialisée sous forme d’arène. Malgré ses traits souriants et grotesques, la mascotte de Real Account les soumet à des défis cruels dont l’issue, en cas d’échec, est généralement la mort ou celle de leurs abonnés.

A la manière du culte Battle royale, Okushô, au scénario, et Shizumu Watanabe, au dessin, plongent le lecteur dans un jeu aussi absurde qu’épouvantable, mais surtout redoutablement fascinant. Avec agilité, ils s’amusent avec les codes des réseaux sociaux pour mieux dénoncer l’hypocrisie et l’égocentrisme qui y règnent parfois. Et placent les protagonistes au cœur de dilemmes moraux qui n’échapperont à aucun des lecteurs qui possèdent un compte sur Facebook ou Twitter : « Et à sa place, moi, j’aurais fait quoi ? »

Real Account, Okushô et Shizumu Watanabe. Un seul volume pour l’instant en français, sorti le 10 novembre chez Kurokawa, 6,80 euros.

« Somali et l’esprit de la forêt » – « road trip » poétique

« Somali et l’esprit de la forêt » met en scène une rencontre improbable entre une fillette et un golem. | Komikku

Il y a moins d’un siècle, pris de curiosité, les humains se sont mêlés à d’autres espèces dont le bestiaire n’a rien à envier à celui de la cantina dans Star Wars. Mais après bien des querelles, les hommes sont devenus des proies, des animaux domestiques. Contraints à la clandestinité pour ne pas être réduits en esclavage, ou être mangés, on n’en croise guère sur les routes. Alors, quand un golem – un gardien de la forêt encapuchonné et en armure – trouve Somali, une toute petite fille, il décide de la protéger et de l’aider à retrouver les siens.

Cet être au départ dépourvu de sentiments et voué à une seule mission, veiller sur une forêt, va peu à peu se découvrir un cœur et se prendre d’affection pour l’enfant. Poétique dans la narration, avec des décors verdoyants et riches, simple sans être trop naïf dans son intrigue et travaillé dans le dessin, ce « road trip » plaira aux fans de mangas fantasy, comme The Ancient Magus Bride.

Somali et l’esprit de la forêt, Yako Gureishi. Tome 1 paru le 10 novembre chez Komikku, 7,90 euros.

« Born to be on air ! » – radio star

L’héroïne de « Born to be on air ! »  va se laisser convaincre de tenter sa chance comme animatrice.

Avec Born to be on air !, l’éditeur français Pika sort de son catalogue traditionnel en proposant une série pour adultes réaliste et sociétale. Ecrit et dessiné par Hiroaki Samura, l’auteur du manga de samouraïs culte L’Habitant de l’infini, Born to be on air dresse un portrait aigre-doux de la société japonaise actuelle.

Minare Koda est une jeune serveuse au caractère bien trempé. Alors qu’elle noie un déboire amoureux dans un bar, elle se fait piéger par un inconnu qui l’enregistre à son insu pour une émission de radio locale. Partie pour régler ses comptes à la station, Minare va se laisser convaincre de tenter sa chance comme animatrice.

Habitués aux batailles épiques et aux effusions de sang, les fans d’Hiroaki Samura seront ici pris à contre-pied. Cet auteur reconnu, dont de nombreuses publications ont été mises à l’honneur par ses éditeurs français cette année, s’aventure en terrain inattendu : l’univers de la radio et la région d’Hokkaido qui y sont brossés avec beaucoup de précision. On retrouve toutefois dans ce premier tome des thématiques qui ont forgé la réputation de cet auteur affranchi et perçu comme original au Japon : des planches concises et sombres, des personnages féminins forts et, surtout, une liberté de ton indéniable.

Born to Be on Air, Hiroaki Samura. Tome 1 paru le 19 octobre chez Pika, 8,05 euros.

« Le bateau-usine » – grand classique

« Le Bateau-Usine » raconte la rébellion d’ouvriers pêcheurs. | Akata

Avec Le Bateau-Usine, le mangaka Gô Fujio s’attaque à une œuvre majeure au Japon : le roman du même nom, publié en 1929 par Takiji Kobayashi, adapté cette fois en dessins. Il raconte le quotidien d’ouvriers et de pêcheurs officiant sur un immense cargo dans les années 1920. Les cadences sont infernales, les maltraitances quotidiennes, et les vies humaines pèsent bien moins lourd que les profits issus de leur travail proche de l’esclavagisme. Jusqu’à ce qu’ils décident de se rebeller.

Symbole de la littérature prolétarienne japonaise du début du XXsiècle, Le Bateau-Usine a connu une seconde jeunesse une centaine d’années plus tard, porté par de jeunes Japonais à la précarité grandissante. C’est dans ce contexte que Gô Fujito a décidé de l’adapter en manga, afin de rendre cette histoire encore plus accessible. Les 150 pages de cet ouvrage donnent en effet un aperçu saisissant des conditions de travail de ces hommes, mais l’exercice est difficile et a parfois des allures de résumé. Le récit se déroule trop vite et manque d’incarnation. L’édition française est toutefois enrichie d’un commentaire instructif, d’une préface de la traductrice de l’ouvrage, mais aussi de la biographie de l’auteur du roman initial, militant communiste, mort torturé par la police à 29 ans.

Le Bateau-Usine, Gô Fujio et Takiji Kobayashi. Tome unique sorti le 8 septembre chez Akata, 7,95 euros.

« Virgin Dog Revolution » – ovni canin

Dans « Virgin Dog Revolution », les animaux se rebellent contre les humains. | Akata

Et si les animaux se retournaient soudain contre la race humaine ? Cru, sans concession, Virgin Dog Revolution met en scène la rébellion des animaux – du doberman au poisson rouge, en passant par les oiseaux et les caniches – qui, à l’appel d’un mystérieux homme au visage canin, attaquent tous les humains qui les entourent. Efficace, terrifiant et stimulant, Virgin Dog Revolution se décline en deux tomes rythmés, servis par le dessin détaillé de Shôhei Sasaki.

Si le début de l’histoire et ses énigmes intriguent, le mystère se lève relativement rapidement pour laisser place à l’action – un peu moins stimulante –, à la violence et au grotesque assumé. Le propos est toutefois original, même si l’on peut regretter que le discours politique tende à disparaître au fil des pages au profit du parcours intime de l’homme à l’origine du soulèvement. Un ovni à l’édition française soignée, qui avec 250 pages par tome permet une vraie plongée dans cet univers hors norme et décadent.

Virgin Dog Revolution, Shôhei Sasaki. Série en deux tomes, sortis le 3 novembre et le 8 décembre chez Akata, 8,50 euros.

« L’habitant de l’infini » – samouraïs et culte

« L’Habitant de l’infini » est une référence pour des auteurs, comme Masashi Kishimoto (Naruto).

C’est l’une des BD de samouraïs les plus reconnues. Casterman a décidé de republier ce manga dans une édition limitée à l’occasion des 20 ans de sa sortie française.

Japon à la période d’Edo. Manji est un rônin, un samouraï sans maître. Il est immortel depuis qu’un mystérieux ver guérissant ses blessures lui a été implanté. Loin d’être une bénédiction, ce sursis sans échéance lui a été accordé pour qu’il expie ses crimes alors qu’il était au service d’un vil seigneur. Pour redevenir mortel et s’affranchir, l’homme de sabre devra tuer mille scélérats.

Hiroaki Samura a commencé son œuvre alors qu’il était encore étudiant aux Beaux-Arts. Un premier travail qui l’a rapidement classé parmi les mangakas les plus doués de sa génération. Et confirme sa réputation d’auteur à part : un dessin mature et rêche, des scènes minutieuses du Japon médiéval et des combats au sabre bien exécutés et sanglants. Le style Samura peut se révéler toutefois déroutant, ses scènes d’action étant elliptiques et saccadées.

Moins populaire que le Kenshin, de Nobuhiro Watsuki, mais récit de référence pour des auteurs comme Masashi Kishimoto (Naruto), L’Habitant de l’infini est une série à connaître si l’on aime les mangas d’arts martiaux. De nombreuses œuvres de Samura ont par ailleurs été publiées en France cette année : Snegurochka, Halcyon Lunch, Eserald ou encore Born to Be on Air qui fait aussi partie de cette sélection.

L’Habitant de l’infini, Hiroaki Samura. Edition limitée comprenant les deux premiers tomes augmentée des documents et dessins inédits, chez Casterman, 30 euros. La série classique reste aussi disponible chez le même éditeur.

« Rumic World 1 or W » – star 80

En France, l’autrice Rumiko Takahashi est surtout connue pour « Ranma 1/2 » ou « Juliette je t’aime ».

Les amateurs de Rinne, Ranma 1/2 et de Maison Ikkoku (Juliette je t’aime) apprécieront sans nul doute la parution de ce recueil d’histoires de la même autrice, Rumiko Takahashi. Star au Japon et dessinatrice influente des années 1980-1990, Takahashi a fait sa spécialité des comédies romantiques.

En parallèle de ses séries phare, elle couche sur papier plusieurs historiettes qu’elle dévoile sous le nom de Rumic World. Delcourt-Tonkam en publie aujourd’hui neuf dans un même volume. Du garçon qui se transforme en chien à chaque fois qu’il saigne du nez aux jeunes femmes maîtresses en arts martiaux qui éconduisent les dragueurs insistants, les personnages et ressorts classiques de l’œuvre de Takahashi se retrouvent dans ces nouvelles. Glam rock et drague courtoise typique de la pop culture des années 1990 sont également présents. Et l’humour tranchant, caractéristique de l’autrice y est omniprésent. Si certaines histoires peuvent paraître démodées, les nostalgiques comme les collectionneurs apprécieront à coup sûr.

Rumic World 1 or W, Rumiko Takahashi. Publié chez Delcourt-Tonkam le 30 novembre, 19,99 euros.

« Le mari de mon frère » – l’Angoumoisin

« Le Mari de mon frère » est un manga sociétal ayant pour thème l’homosexualité. | Akata

Sujet assez rare, du moins dans les mangas grand public, Le Mari de mon frère s’attache à démonter les préjugés homophobes à travers une histoire simple et des personnages naïfs. Mais aussi répond subtilement aux questions les plus fréquentes ou taboues sur l’homosexualité.

Yaichi, jeune père veuf, voit un jour à sa porte Mike, un Canadien avenant taillé comme une armoire à glace. Celui-ci est l’époux du défunt frère de Yaichi. Venu se recueillir dans le pays de son mari, Mike, à grand renfort de sourires et d’explications bienveillantes, brisera les réticences et les doutes de Yaichi envers son frère et les gays. Mais c’est surtout la spontanéité de Kana, la fille de celui-ci, qui permettra aux deux hommes de nouer une complicité.

Pour son premier manga sociétal, Gengoroh Tagame, qui a fait carrière dans l’illustration homo-érotique, parvient à beaucoup de pédagogie sans mièvrerie. En mettant en vis-à-vis les pensées et les propos des personnages, il permet au lecteur de s’identifier ou d’identifier les questions qui peuvent encore tarauder les gens qui, comme Yaichi, ne savent pas comment se comporter pour aborder le sujet ou poser des questions embarrassantes. Sans aseptiser ses personnages, Tagame choisit de ne les érotiser à aucun moment. Le Mari de mon frère fait partie de la sélection 2017 du Festival d’Angoulême.

Le Mari de mon frère, Gengoroh Tagame. Tomes 1 et 2 parus les 8 septembre et 10 novembre chez Akata, 7,95 euros.

Pour d’autres idées de cadeaux : Dix comics qu’il ne fallait pas rater en 2016

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