Marie Rémond, à gauche, joue le rôle d’une jeune femme solitaire qui sillonne la France, inspiré du personnage interprété par Marie Rivière dans « Le Rayon vert ». | Pierre Grosbois

Ces dernières années, Marie Rémond n’a cessé de surprendre en apparaissant dans des pièces inspirées de figures de l’imaginaire collectif telles que André Agassi, Bob Dylan ou encore Barbara Loden, réalisatrice du film culte Wanda… À chaque fois, non seulement la comédienne de 38 ans est présente sur les planches mais elle cosigne également les textes ou la mise en scène. Voilà qu’elle plonge dans l’univers d’Éric Rohmer avec Où les cœurs s’éprennent, mis en scène par Thomas Quillardet au Théâtre de la Bastille, pièce-diptyque tirée de deux films, Les Nuits de la pleine lune (1984) et Le Rayon vert (1986), et dont elle a participé à l’adaptation des scénarios.

Les deux longs-métrages se suivent dans la filmographie du cinéaste (1920-2010) et ils s’imbriquent, se nourrissent de leurs différences. Le premier fait de la comédienne Pascale Ogier une noctambule qui étouffe dans un Paris branché, toujours entourée de mondains, et le second accompagne une jeune femme solitaire qui sillonne la France, incarnée par Marie Rivière. « Ces deux filles se sentent perdues. Elles questionnent leurs désirs en amour mais ne cessent jamais de chercher leur propre voie », souligne Marie Rémond qui reprend le rôle principal du Rayon vert.

Un écran de cinéma en pop-up

Le cinéma d’Éric Rohmer a souvent été caricaturé à cause de sa narration statique et de ses (supposées) longues scènes de discussions entre les personnages. Où les cœurs s’éprennent se nourrit de cela, mais s’intéresse aussi aux nuances, subtilités et différences entre les deux films. La pièce – reprenant dans l’ordre de sortie les longs-métrages – témoigne, selon Marie Rémond, « de la façon dont Éric Rohmer transforme son cinéma en passant d’une forme de récit à une autre, des situations quasi théâtrales et des dialogues très écrits du premier à la liberté et aux improvisations du second ».

Si l’adaptation est respectueuse, il n’en reste pas moins un fossé entre le cinéma, tout dépouillé soit-il chez Rohmer, et le théâtre. Le décor, une grande feuille déroulée sur le plateau, comme un écran de cinéma décroché du mur, permet donc de mêler les deux univers, de titiller l’imaginaire. « L’idée était de s’inspirer de la technique des livres en pop-up, explique l’actrice. On déchire un morceau du papier, et une table apparaît. Ou bien ce sont des arbres. Je peux aussi m’isoler sous la feuille comme dans un tipi pour m’adresser au public. Tout devient possible. Enchaîner ainsi les situations crée un effet de loupe qui ramène au premier plan les émotions vécues par nos personnages. » Et rappelle celles, magnifiques, vécues par les jeunes héroïnes rohmériennes.

« Où les cœurs s’éprennent », d’après les scénarios des films d’Éric Rohmer, mise en scène de Thomas Quillardet. Au Théâtre de la Bastille du 6 au 19 janvier. www.theatre-bastille.com