La majorité de droite devrait adopter la proposition de loi « tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale » qui sera débattue au Sénat mardi 31 janvier. Elle aura néanmoins peu de chance d’être votée par l’Assemblée nationale actuelle tant elle pousse loin le durcissement de la réponse pénale et réduit les marges de manœuvre des magistrats. L’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) a dénoncé devant la commission des lois du Sénat les ressorts « démagogiques » d’un texte « à visée incarcératrice ». Alain Anziani, vice-président PS de cette commission, y voit un « texte de réaction dont le fil conducteur est la méfiance du juge ».

Ce n’est bien évidemment pas un hasard si cette proposition de loi surgit en ce début de campagne électorale. Ses auteurs sont les sénateurs LR Bruno Retailleau, coordinateur de la campagne de François Fillon, et François-Noël Buffet, membre du conseil stratégique du candidat. Ils ont néanmoins dû renoncer à certaines de leurs propositions jugées inconstitutionnelles par François Pillet, vice-président LR de la commission des lois et rapporteur de ce texte. Malgré le tamisage opéré en commission mercredi 25 janvier, la philosophie globale du texte reste la même : renvoyer encore plus de monde vers la prison alors qu’aujourd’hui le nombre de détenus atteint des records.

Volonté d’effacer toute trace du passage de Christiane Taubira

Le texte prévoit le rétablissement des peines planchers et de la révocation automatique des sursis en cas de récidive, deux symboles du quinquennat de Nicolas Sarkozy supprimés par la gauche en 2014. Les peines planchers destinées aux cas de récidives seraient cette fois appliquées pour les délits ou les crimes passibles d’une peine supérieure à cinq ans (contre deux ans dans la loi de 2009). Les juges pourraient néanmoins y déroger par une décision motivée. Cette automaticité des peines a toujours été considérée par les magistrats comme contraire à l’acte de juger.

Quant au retour de la révocation automatique et intégrale du sursis ou du sursis avec mise à l’épreuve en cas de nouvelle condamnation, le tribunal pourra y faire obstacle par décision spéciale motivée. Les auteurs de la proposition de loi qui souhaitaient que ces peines issues de la révocation d’un sursis ne soient pas aménageables se sont fait retoquer en commission des lois.

La volonté d’effacer toute trace du passage de Christiane Taubira au ministère de la justice frappe également dans ce texte avec la suppression de la contrainte pénale et de la libération sous contraintes, deux mesures destinées à davantage encadrer les condamnés et préparer leur réinsertion pour lutter contre la récidive.

Les sénateurs s’attaquent également à des dispositions, aujourd’hui dénoncées comme laxistes mais décidées par la droite. L’aménagement possible pour les peines inférieures à deux ans d’emprisonnement introduit dans la loi par Rachida Dati en 2009 serait désormais réservée aux peines de moins d’un an. De même, le crédit de réduction automatique de peine (révocable en cas de mauvaise conduite), introduit dans la loi par Nicolas Sarkozy en 2004, est remplacé par des réductions de peines décidées en fonction du comportement du condamné.

L’une des seules mesures soutenue par l’USM est la limitation de l’aménagement avant exécution aux peines de prison inférieures à un an. La loi avait fait passer ce seuil d’un à deux ans en 2009.