Mondial de handball : la série sans fin des invincibles « Experts »
Mondial de handball : la série sans fin des invincibles « Experts »
Par Henri Seckel
L’équipe de France a remporté dimanche son sixième titre de championne du monde en surclassant en finale la Norvège (33-26), à Paris.
C’est drôle, un président qui danse. Nous sommes à la mi-temps de la finale du championnat du monde entre la France et la Norvège, dimanche 29 janvier, et Joël Delplanque, debout dans les gradins de l’AccorHotels Arena (ex-Palais omnisports de Paris-Bercy), fait ce qu’il peut pour suivre la chorégraphie officielle sur laquelle se dandine le public des quatre coins du pays depuis le début du tournoi.
Le président de la Fédération française de handball (FFHB) arbore un sourire béat, alors que la première période n’a pas été bien réjouissante pour les Bleus, qui ont constamment couru après le score, parfois trois buts derrière les Scandinaves. « On a pris une leçon de handball pendant vingt-cinq minutes, on s’est fait défoncer par les Norvégiens, témoigne Philippe Bana, le directeur technique national. On avait commencé à baisser la tête, on était blancs comme des linges, tous. On la voyait arriver, la fessée, celle de janvier dernier qui nous avait sortis de l’Euro en Pologne [29-24 pour la Norvège]. On a eu très, très peur. »
Et puis Valentin Porte, sur une contre-attaque miraculeuse, a fait repasser la France en tête juste avant la pause (18-17). « Psychologiquement, ça leur a mis une gifle, raconte l’arrière montpelliérain. Ils auraient pu prendre quatre ou cinq buts d’avance, et finalement, c’est nous qui sommes devant à la mi-temps, en jouant mal. A ce moment-là on se dit : “Les gars, vous avez laissé passer le train, c’est fini, ciao.” »
Joël Delplanque va pouvoir se déhancher toute la nuit : la compétition organisée dans l’Hexagone est un succès total pour l’équipe de France, victorieuse 33-26 et sacrée championne du monde à domicile, comme en 2001. Sur le maillot bleu apparaît une sixième étoile, vingt-deux ans après celle des « Barjots » de 1995. C’est surtout la quatrième conquise sur les cinq derniers Mondiaux (2009, 2011, 2015, 2017).
Alors même si les Bleus ont perdu, en 2016, leurs titres européen et olympique, « la ritournelle du handball qui est un sport qui se joue à 7 et où c’est la France qui gagne à la fin est un peu difficile à avaler pour les autres, révèle Philippe Bana. Ces joueurs veulent continuer à donner une impression de force en permanence, à marquer leur territoire. C’est un peu de la zoologie. C’est-à-dire que si tu ne pisses pas assez loin, les autres mecs vont venir. »
De fait, personne n’a vraiment pu s’approcher du territoire tricolore pendant ce tournoi hormis les Suédois, les seuls à avoir réellement résisté, lors du quart de finale (33-30). Fait notable, les Bleus sont champions du monde sans avoir affronté un seul des quatre grands rivaux habituels (Danemark, Allemagne, Espagne, Croatie), tous sortis avant de croiser leur route.
En ayant pu choisir son groupe de départ, et bénéficier de plages de récupération presque toujours supérieures à celles de ses adversaires – soixante-douze heures avant la finale contre quarante-huit pour la Norvège, par exemple –, l’équipe de France a profité de conditions avantageuses dont elle n’avait pas besoin. Voilà longtemps que le handball tricolore possède la recette, sinon du succès systématique, au moins de la performance durable, dont la compétition qui s’achève a fourni une belle illustration.
Ce Mondial a été celui des transitions réussies. Entre Claude Onesta et Didier Dinart, d’abord. Le grand manitou du handball français, l’ancien sélectionneur (2002-2016) devenu manageur général, a vécu une compétition en tribune pour la première fois depuis quinze ans, laissant son ancien défenseur (40 ans) diriger le navire, au côté d’un nouvel adjoint, Guillaume Gille (40 ans), ancien « Expert » lui aussi.
« Plus qu’une équipe, une philosophie »
Vu le triomphe du nouveau duo, Onesta devrait sans doute s’éloigner un peu plus du jeu en tant que tel – face à la Norvège, à la mi-temps, il est encore allé attraper Karabatic dans un couloir de Bercy pour distiller des consignes. Pas sûr que, au prochain titre, « Claudius » débarque sur le podium comme il a quand même fini par le faire dimanche soir, sans médaille, une fois que tous les joueurs avaient soulevé le trophée, pour la photo.
Pour Onesta, aujourd’hui, l’essentiel est de veiller à la pérennisation d’un certain état d’esprit, au sein d’une équipe qu’il compare aux All Blacks en rugby. « C’est plus qu’une équipe, c’est une philosophie, c’est une culture, disait-il après la rencontre. Il faut veiller à ce que demain, ça ne redevienne pas qu’une équipe. C’est bien que les jeunes qui arrivent soient tout de suite au contact de cette philosophie et, au-delà du talent qu’ils ont, qu’ils se mettent tout de suite au service de l’équipe. »
Voici l’autre transition réussie, qui est en fait le renouvellement permanent de l’équipe de France. Sur le podium dimanche, le gardien Thierry Omeyer (40 ans) fêtait son cinquième titre mondial, qui était le premier pour l’arrière Nedim Remili (21 ans) ou le pivot Ludovic Fabregas (20 ans), jeunes pousses impressionnantes, déjà au niveau des tauliers qui sont leurs guides. « Cédric Sorhaindo m’a dit : “Moi, je suis là pour aider le petit [Fabregas]”, raconte Philippe Bana. Quel sportif professionnel, aujourd’hui, va te dire : “Je m’en fous si je ne joue pas la finale, je vais aider le petit de 20 ans à prendre ma place” ? C’est bizarre, le handball. C’est pas normal. »
Le système de détection et de formation
Le système de détection et de formation du handball français, reposant notamment sur les vingt-sept pôles Espoirs régionaux, lui garantit un réservoir de joueurs qui semble intarissable. « On est venus de nulle part, et on ne veut pas y retourner, affirme Philippe Bana. On les a prises, à l’époque, les branlées de trente buts contre les Russes, et on sait qu’on peut y retourner si on fait les cons. Donc on ne regarde pas les médailles. On est déjà en train de calculer le prochain coup. »
A 19 ans, Dika Mem est le plus jeune champion du monde de la bande, que pourrait bientôt intégrer des joueurs comme l’ailier Yanis Lenne – qui a suivi le Mondial 2017 au sein du groupe pour s’en imprégner –, l’arrière Melvyn Richardson (fils de Jackson) ou encore le gardien Julien Meyer. Ces trois-là sont âgés de 20 ans, et ont tous été sacrés champions du monde avec la France en 2015 dans les catégories de jeunes. De quoi rendre optimiste en vue des Jeux olympiques de Tokyo en 2020, voire de Paris 2024, comme le souligne l’ailier Kentin Mahé : « Franchement, on a de belles années devant nous. »