En Iran, les rêves présidentiels du maire de Téhéran s’éloignent
En Iran, les rêves présidentiels du maire de Téhéran s’éloignent
Par Ghazal Golshiri (Téhéran, correspondance)
Le conservateur Mohammad Bagher Ghalibaf est très critiqué après l’incendie d’une tour, où seize pompiers ont trouvé la mort le 19 janvier.
Le cortège funèbre des pompiers morts dans l’incendie, le 30 janvier à Téhéran. | ATTA KENARE / AFP
Lundi 30 janvier, dès 6 heures du matin, les grandes avenues menant à la grande mosquée de Mosala, dans le centre de Téhéran, avaient été bouclées par les forces de l’ordre. Le rendez-vous avait été fixé la veille pour que les Iraniens puissent « rendre hommage » aux 16 pompiers morts lors de l’effondrement d’un complexe commercial de la capitale où ils cherchaient à éteindre un incendie, le 19 janvier. Dès 8 heures, des dizaines de milliers de personnes se pressaient par cette journée glaciale, témoignant de l’émotion que le drame de la tour Plasco, la plus ancienne de Téhéran avec ses 600 boutiques et ateliers de confection de vêtements, a suscitée dans tout le pays.
Très vite, les critiques ont fusé contre le maire de Téhéran, Mohammad Bagher Ghalibaf, un ancien général de police en fonctions depuis 2005. Tout au long des neuf jours qu’ont duré les opérations de secours et de déblaiement des gravats, internautes et titres de presse ont pleuré la mort des « héros » de l’Iran et fustigé « la mauvaise gestion » de l’élu, qui avait manqué à ses responsabilités. Selon la loi, la municipalité est, en effet, responsable de la sécurité des bâtiments à risques. Les adversaires du maire lui reprochent également d’avoir sous-équipé les pompiers et de ne pas leur avoir versé la totalité du budget alloué.
Ces critiques virulentes contre M. Ghalibaf ont été reprises par certains politiques. « Les locataires du bâtiment de Plasco avaient, à de multiples reprises, alerté sur le fait qu’un effondrement était imminent, mais la mairie n’y a pas prêté attention », s’est indignée la députée de Téhéran Parvaneh Mafi. L’un des membres du conseil municipal, Mohsen Sarkhou, est allé plus loin, exigeant la démission de Mohammad Bagher Ghalibaf. Une demande reprise en boucle dans les médias et qu’ont également exprimée certains des manifestants présents lundi.
La mise en cause du maire de Téhéran n’aurait pas une telle importance si celui-ci ne se préparait pas, selon toute vraisemblance, à concourir à la prochaine présidentielle. Le 19 mai, les Iraniens se rendront aux urnes pour décider de réélire l’actuel président Hassan Rohani, au pouvoir depuis août 2013, ou de faire de lui le seul chef d’Etat iranien à n’avoir exercé qu’un seul mandat.
Lenteur de la reprise économique
Battu en 2013 par Hassan Rohani (15,8 % des voix contre 50,7 %), M. Ghalibaf a encaissé d’autres coups durs ces derniers mois. Il a notamment été accusé par un site Internet, en septembre 2016, d’avoir offert des maisons et terrains appartenant à la municipalité à certains élus du conseil. En décembre, sa campagne de communication sur la qualité de vie dans la capitale s’est retournée contre lui, la classe moyenne faisant du maire le responsable de tous les problèmes de cette mégapole qu’est devenue Téhéran, avec ses pics fréquents de pollution, ses centaines de kilomètres d’embouteillages et le recul inexorable des espaces verts face aux chantiers de construction.
Avant cette série de revers, Mohammad Bagher Ghalibaf comptait mener campagne auprès des déçus du président Rohani, frustrés par la lenteur de la reprise économique promise après la conclusion de l’accord sur le programme nucléaire iranien, en juillet 2015, et la levée partielle des sanctions – celles adoptées par les Etats-Unis sont restées en place. Le maire de Téhéran comptait également sur le soutien de l’aile « révolutionnaire » et antioccidentale des conservateurs, qui dénoncent régulièrement la politique d’ouverture du président Rohani. Mohammad Bagher Ghalibaf avait même posé une condition à sa candidature : « Que tous les conservateurs, de toute tendance, lui apportent leur soutien », avait déclaré l’une des figures influentes du camp conservateur, Mohammad Reza Mir Tajodini, début janvier.
Mais l’incendie du 19 janvier a retourné une part importante de l’opinion contre M. Ghalibaf. « En tant que citoyenne, je m’attendais à ce qu’il prenne ses responsabilités, mais il ne l’a pas fait, se désole Mojgan, 27 ans, présente, lundi, aux obsèques des seize pompiers. Je ne voterai jamais pour lui. »