Le livre blanc pour l’université et la recherche préconise d’investir 10 milliards d’euros en dix ans
Le livre blanc pour l’université et la recherche préconise d’investir 10 milliards d’euros en dix ans
Par Camille Stromboni
Un tel investissement permettrait une croissance de dix points du PIB et la protection de 400 000 emplois face au risque de chômage et d’inactivité, selon cette feuille de route portée par le gouvernement.
L’Université Paris 1 (centre Pierre Mendès-France, Tolbiac). | CAMILLE STROMBONI/CC BY-ND 2.0
Dix milliards d’euros d’investissement dans les dix prochaines années : c’est la ligne tracée par le livre blanc de l’enseignement supérieur et de la recherche, remis mardi 31 janvier à Thierry Mandon, le secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche. Le pavé de 200 pages réalise la synthèse et l’articulation des différentes stratégies nationales élaborées sous le quinquennat de François Hollande dans le secteur – enseignement supérieur, recherche, infrastructures de recherche et culture scientifique, technique et industrielle.
Avec désormais un chiffrage des moyens et une programmation budgétaire détaillée pour les trois prochaines années, ainsi qu’une évaluation de l’impact de ces mesures sur l’emploi et la croissance. Prévu par la loi « Fioraso » de 2013, ce document prospectif doit être transmis par le gouvernement au Parlement.
Une première rallonge jugée insuffisante
Une feuille de route ambitieuse, portée par Thierry Mandon, qui arrive cependant en toute fin de mandat, prête à échoir sur le bureau… du prochain locataire de l’Elysée. « Nous avons déjà engagé ce processus de réinvestissement », tient à souligner le secrétaire d’Etat, en référence aux 800 millions d’euros supplémentaires du dernier budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. Une rallonge jugée néanmoins très insuffisante au sein de la communauté universitaire, alors que chaque année depuis trois ans, ce sont 30 000 nouveaux étudiants qui rejoignent les bancs de l’université.
Il est temps de « refonder le pacte de l’enseignement supérieur et de la recherche avec le pays », souligne le livre blanc, rédigé par un comité de parlementaires, universitaires, présidé par l’universitaire Bertrand Monthubert. Ces 10 milliards permettront d’atteindre un investissement de 3 % du PIB dans la recherche et le développement (contre 2,23 % actuellement) et de 2 % dans l’enseignement supérieur (contre 1,4 % en moyenne) d’ici dix ans.
Boom démographique et meilleure qualification
L’effort le plus important porte sur l’enseignement supérieur : dans les trois ans qui viennent, sur les 4 à 5 milliards d’euros prévus, entre 1,5 et 3 milliards devront être mis sur la table pour répondre au boom démographique mais aussi remplir l’objectif d’élévation du niveau de qualification, en portant 60 % d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement supérieur. Environ 370 000 étudiants de plus sont ainsi à prévoir dans les quatre prochaines années, d’après les projections du livre blanc.
Une élévation des qualifications indispensable à l’heure d’un marché du travail en pleine mutation : « Le phénomène de polarisation du marché de l’emploi, observé aux Etats-Unis notamment, se traduit par la disparition de nombreux métiers correspondant à un niveau de qualification intermédiaire, au profit d’un pôle de métiers hautement qualifiés d’une part, et d’un pôle de métiers peu qualifiés mais également peu automatisables », souligne le rapport.
Rentable pour la croissance et l’emploi
Cette dépense sera en outre plus que rentable en termes de croissance et d’emplois, d’après l’enquête réalisée spécialement par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), annexée au livre blanc. Cet effort conjugué d’accroissement des qualifications et de dépenses de recherche et développement engendrerait un taux de croissance du PIB de dix points – soit 220 milliards d’euros – à l’horizon 2047. Quant à l’emploi, l’OFCE évalue à 400 000 le nombre de personnes qui deviendront ainsi protégées du risque d’« inemployabilité » – c’est-à-dire de l’inactivité ou du chômage – dû à la robotisation des processus productifs et au développement de l’intelligence artificielle.
« Nous évaluons pour la première fois clairement l’impact et l’intérêt macroéconomique de cet investissement », souligne Thierry Mandon, qui a l’espoir de remettre le sujet « au cœur de la campagne présidentielle ». « Dans le débat politique actuel, la question du travail a pris une place extrêmement importante et ce livre blanc montre que l’enseignement supérieur et la recherche sont incontournables pour construire un pays capable d’assurer un avenir à chacun », insiste de son côté Bertrand Monthubert.