Affaire Fillon : passe d’armes sur la compétence du parquet financier à enquêter
Affaire Fillon : passe d’armes sur la compétence du parquet financier à enquêter
Par Anne Michel
Les avocats du couple Fillon invoquent le principe de la séparation des pouvoirs pour contester à l’autorité judiciaire la faculté de contrôler la façon dont un député emploie les fonds qui lui sont affectés.
Faut-il y voir une manœuvre dilatoire ? Lors de sa conférence de presse, lundi 6 février, François Fillon a annoncé son intention de contester, en droit, la compétence du parquet national financier (PNF) à enquêter sur les faits de « détournement de fonds publics » qui lui sont reprochés.
« Le parquet financier s’est saisi en vingt-quatre heures. Les premiers témoins ont été entendus en quarante-huit heures. Et mes avocats viennent de signaler au parquet financier qu’il n’était sans doute pas compétent pour se saisir de cette affaire », a déclaré le candidat de la droite à l’élection présidentielle.
Un mémoire visant à soulever un vice de procédure a été déposé, lundi, auprès du PNF, par l’avocat de François Fillon, Antonin Lévy, dans l’enquête ouverte le 25 janvier sur les soupçons d’emplois fictifs visant Penelope Fillon et deux enfants du couple. Une démarche à laquelle l’avocat de Penelope Fillon, Pierre Cornut-Gentille, a dit « s’associer », dans une déclaration au Monde.
Les avocats contestent le fait que le délit de détournement de fonds publics s’applique à un parlementaire, étant réservé, selon leur analyse et en l’absence de jurisprudence, aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public et non à tous les titulaires d’un mandat électif. Ce qui désignerait un maire, par exemple, chargé en tant qu’élu local d’une mission de service public, mais pas un député ou un sénateur.
Les conseils des époux Fillon s’appuient ensuite sur le principe de la séparation des pouvoirs, pour contester à l’autorité judiciaire la faculté de contrôler la façon dont un député emploie les fonds qui lui sont affectés. « La justice peut s’assurer que l’argent est bien utilisé pour les collaborateurs, mais ce n’est pas à elle de choisir à qui et à quoi il doit aller », estime Pierre Cornut-Gentille. Le travail de la justice s’arrêterait ainsi dès lors qu’il existe un contrat de travail.
« Sérénité et célérité appropriées »
Dans un communiqué diffusé sans délai, lundi soir, le PNF a répondu que les investigations étaient diligentées « conformément aux critères de compétence définis par l’article 705 du code de procédure pénale » – qui définit son champ d’action, pour des infractions allant de la corruption active et du trafic d’influence au détournement de biens.
A François Fillon qui a, par ailleurs, déploré, lundi, les nouvelles révélations sur l’enquête, parues dans Le Monde du 7 février, le PNF a répondu que l’enquête se déroulait « avec la sérénité et la célérité appropriées », « dans le strict respect de l’article 11 du code de procédure pénale » – qui régit le secret de l’enquête. « Une décision sur l’orientation de la procédure sera prise lorsque les investigations seront terminées. Il serait hasardeux de préjuger dès à présent de leur issue », conclut le PNF.