En Suisse, des « drones fiscaux » autorisés pour traquer les constructions illégales
En Suisse, des « drones fiscaux » autorisés pour traquer les constructions illégales
Par Jean-Michel Normand
La ville de Horw, en Suisse, pourra continuer de traquer les constructions illégales par la voie des airs, malgré les protestations du responsable cantonal de la protection des données.
Horw est une tranquille commune de 13 000 habitants, sise dans le canton de Lucerne en Suisse. Or, tous ses administrés ne sont pas aussi respectueux de la loi et disciplinés qu’on pourrait l’imaginer. La municipalité est confrontée à l’apparition de constructions illégales, en particulier dans les résidences installées sur les rives du lac des Quatre-Cantons, où certains propriétaires construisent des pontons ou des pavillons de jardin, en contradiction avec la réglementation.
Aussi a-t-elle entrepris depuis un an d’utiliser des drones pour cartographier toutes les parcelles situées aux abords de cette zone. Un moyen efficace et beaucoup moins cher (six fois moins onéreux que les moyens d’enquête traditionnels, selon la mairie) de réaliser « un état des lieux » avant d’engager des poursuites.
Un drone peut se montrer relativement discret à partir d’une certaine hauteur de vol. | Le Monde
Le canton donne son aval
Ces opérations de surveillance aérienne ont été vivement contestées par le responsable cantonal de la protection des données. Il a poursuivi la commune de Horw devant le conseil d’Etat (le gouvernement cantonal), considérant que celle-ci n’avait pas le droit de mener une telle investigation. La protection de la vie privée, estime-t-il, est incompatible avec ce genre de pratique. Il a donc exigé que la municipalité supprime de ses archives les – nombreux – clichés réalisés.
Le gouvernement lucernois vient de lui donner tort. Selon lui, le fait de prendre des photos aériennes de propriétés privées constitue effectivement une intrusion caractérisée dans la sphère privée mais au même titre que les inspections – par voie terrestre – qui pouvaient être réalisées auparavant par les services municipaux et que personne ne conteste.
Pour autant, la décision des autorités cantonales n’ouvre pas toutes grandes les vannes de ce que certains appellent déjà « l’inquisition fiscale ». Ainsi, les drones de Horw pourront continuer à procéder à des relevés mais la mairie n’est pas habilitée à les exploiter tant que la justice – le tribunal administratif du canton, saisi en appel par le préposé à la protection des données – n’aura pas jugé le différend au fond.
Les drones sont déja largement utilisés pour vérifier l’isolation thermique des maisons. | FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
De la Suisse à l’Espagne
Traquer les constructions illégales grâce à un drone n’est pas une idée neuve. Si la commune de Horw est la première, en Suisse, à avoir fait décoller des drones pour repérer ceux qui prennent des libertés avec les plans d’occupation des sols, d’autres initiatives ont déjà été engagées ailleurs, et à bien plus grande échelle.
En Espagne, des drones, mais aussi des satellites, ont été déployés par les autorités fiscales qui, selon le quotidien El Mundo, auraient ainsi récupéré 80 millions d’euros depuis 2014. Le ministère des finances espagnol estime que pour un euro investi, 16 euros sont récupérés via l’impôt sur les biens immobiliers… Les « drones fiscaux » ont également été mis à contribution en Argentine. En attendant la France ?