Fragilisé, François Fillon se pose en garant d’une alternance de droite
Fragilisé, François Fillon se pose en garant d’une alternance de droite
Par Alexandre Lemarié (Poitiers, envoyé spécial)
Le candidat du parti Les Républicains a renoncé à créer un engouement et s’est présenté, jeudi à Poitiers, comme un rempart face à Marine Le Pen ou Emmanuel Macron.
Il pense avoir trouvé la parade. Fragilisé par les soupçons d’emplois fictifs pesant sur sa famille, qui minent sa campagne, François Fillon ne cherche plus à créer un engouement autour de sa seule personne. Lucide, il sait que les révélations ont sérieusement écorné son image de « candidat honnête » qu’il s’était patiemment forgée.
Alors, pour pousser ses électeurs à lui rester fidèle dans la tourmente, le candidat du parti Les Républicains (LR) a choisi de décliner un nouvel argument : même s’il n’est pas « un saint », lui seul serait en mesure d’assurer une alternance de droite. Et ainsi empêcher l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen ou d’Emmanuel Macron, qu’il a présenté comme un saut dans l’inconnu.
« On veut nous chasser de la présidentielle au profit d’un duel dont rêve le système : d’un côté la caricature de l’extrême droite, de l’autre le macronisme light et branché. Il est hors de question de laisser l’avenir de notre pays tomber dans les mains de ces gens-là », a-t-il déclaré à Poitiers, jeudi 9 février, lors de son premier meeting depuis son opération vérité, lundi. Avant d’insister : « Il est hors de question que la droite et le centre se laissent intimider par des scénarios, qui excluent les Français qui veulent un changement puissant et crédible ! »
« C’est une question d’intérêt national ! »
A l’entendre, sa candidature serait essentielle pour défendre les intérêts supérieurs de sa famille politique et du pays. « Ça n’est pas une question partisane, c’est une question d’intérêt national ! », a-t-il souligné. Certains y verront de l’habileté, d’autres une manœuvre désespérée pour interrompre sa chute continue dans les sondages.
Ces propos s’inscrivent dans sa stratégie de riposte politique. La veille, il s’était posé en rempart face au FN, en pointant devant des éditorialistes de la presse écrite – dont Le Monde – la menace que représenterait « l’élimination de la droite française à l’élection présidentielle, alors qu’elle est idéologiquement majoritaire dans le pays ». Dans ce cas, M. Fillon met en garde contre le risque de voir ses électeurs « partir en masse chez Marine Le Pen », en assurant que cette dernière aurait alors toutes les chances de l’emporter face à M. Macron.
L’ex-premier ministre, qui s’était déjà posé comme le seul candidat de droite en mesure de l’emporter pour tuer dans l’œuf la possibilité d’un « plan B » au sein de son camp, reprend donc l’argument du « C’est moi ou le chaos » pour tenter de ressouder le noyau dur de son électorat autour de sa candidature. Comme s’il fallait d’abord voir en lui le porte-drapeau des valeurs de droite – qu’il a largement déclinées en vantant l’autorité, la famille ou la liberté d’entreprise – plus qu’un prétendant à l’Elysée contesté pour avoir employé sa famille.
« Je porte l’espérance de millions de Français »
« Cette campagne ne m’appartient pas : je porte l’espérance de millions de Français qui se sont manifestés à la primaire, et de millions d’autres qui nous soutiennent. Ne vous laissez pas voler cette élection. Ne vous laissez pas souffler la flamme du redressement national », a-t-il lancé devant plus de 3 000 de ses partisans, qui l’ont accueilli aux cris de « Fillon président ! »
Alors que les sondages le donnent désormais éliminé dès le premier tour, en pronostiquant une finale Macron-Le Pen, M. Fillon s’en est pris à la présidente du FN, présentée comme la « jumelle » de Jean-Luc Mélenchon avec « son programme économique de faillite ». Mais il a réservé ses flèches les plus acérées à l’ex-ministre de l’économie, l’accusant d’incarner une « nouvelle forme de populisme mondain, qui a inventé la campagne présidentielle sans programme ».
Son offensive anti-Macron s’est déclinée sur deux terrains principaux : le régalien et l’international, des domaines où l’ex-premier ministre pense avoir l’avantage. Alors que M. Macron se montre plutôt discret sur les questions de sécurité et d’immigration, M. Fillon a souligné sa volonté de « rétablir l’autorité de l’Etat », en rappelant les mesures les plus musclées de son projet.
« Entreprise de démolition »
Il a également mis en avant sa stature d’homme d’Etat, en prétendant que lui seul serait assez capé pour tenir tête aux grands de ce monde : « Face à M. Trump, à M. Poutine ou face au président chinois, ce n’est pas Hamon, Macron ou Le Pen qui vont tenir le rang de la France ! Moi, j’y suis prêt. »
En première partie, Jean-Pierre Raffarin avait déjà souligné « l’inexpérience » du fondateur d’En marche !, âgé de 39 ans. « On ne veut pas de l’aventure sur le plan international », a-t-il lancé, après avoir fait huer les journalistes présents, en les accusant d’avoir œuvré à « une entreprise de démolition » depuis quinze jours. Du miel aux oreilles des militants, mais qui ne change rien à la situation précaire de M. Fillon : son sort reste suspendu à l’enquête ouverte par le parquet national financier pour détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits, le candidat ayant promis qu’il renoncerait s’il était mis en examen.
François Fillon : "Tout cela était légal"
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