Team Ninja

C’est devenu le raccourci le plus fatigant de ces deux ou trois dernières années : dès qu’un jeu vidéo est difficile, on le compare à Dark Souls, jeu-monument du studio From Software, souvent convoqué pour son intransigeance, et pourtant passionnant pour tant d’autres raisons.

Nioh justement, s’intéresse à ces à-côtés. Un peu au plaisir des niveaux construits comme de petits labyrinthes. À la technicité de ses combats, beaucoup. Et, pour commencer, à la tentation de nous perdre dans un environnement faussement familier pour mieux nous faire renouer avec le plaisir de découvrir.

Un exemple : là où Dark Souls était l’appropriation, par des Japonais, d’un imaginaire très européen (les chevaliers, les cathédrales gothiques, etc.), Nioh, lui, s’attache à nous dépeindre le Japon médiéval à travers le regard d’un héros occidental, élégamment baptisé William.

Premier Britannique à avoir mis les pieds au Japon, William « Anjin » Adams a réellement existé, et n’était pas non plus le genre à pinailler sur la taille du nuage de lait dans son thé. Mais s’il fut l’un des rarissimes occidentaux à prétendre au titre de samouraï, son avatar dans Nioh, lui, va carrément chatouiller les démons sous les bras.

Chatouille et pas de danse

Dans Nioh, William est lancé à la poursuite de son compatriote, le fort mal intentionné Edward Kelly, dans un Japon médiéval ravagé par les forces démoniaques. Comme le joueur, William arrive sans aucune préparation dans ce monde inconnu. Et comme le joueur, il va progressivement apprendre à se couler dans le moule d’un jeu aux règles au départ mystérieuses, comme on apprendrait à maîtriser un art martial séculaire.

« Nioh » est (très) librement inspiré d’une histoire vraie. | Team Ninja

La principale différence entre Nioh et son illustre modèle, c’est sa façon d’appréhender l’exploration, au sens géographique du terme. Dark Souls nous confrontait à de grands espaces à apprivoiser. C’était un monde ouvert, où il était théoriquement possible d’aller partout, tout de suite, au mépris parfois du bon sens le plus élémentaire. Pas de ça ici. Nioh est sagement découpé en missions. Il distille prudemment quelques raccourcis, secrets et astuces architecturales, mais tout cela reste singulièrement moins ambitieux.

Le cœur du jeu, c’est davantage le combat. Des combats assez lents et prévisibles mais où le moindre faux pas est immédiatement sanctionné. Nioh est un jeu de la répétition : chaque mort, mais aussi chaque passage de niveau est synonyme de la réapparition des ennemis. Il faut ainsi répéter plusieurs fois chaque combat, chaque coup, jusqu’à ce qu’il devienne une seconde nature, un réflexe. Effectué avec la précision d’un pas de danse.

Pichenettes bien ajustées

Rien de très nouveau jusqu’ici. Nioh introduit pourtant de nombreuses mécaniques inédites, pas immédiatement nécessaires à bas niveau, mais qui rapidement, facilitent la tâche, quand elles ne deviennent pas obligatoires face aux boss les plus retors. Parmi elles, le système de garde (haute, moyenne ou basse), et surtout, la jauge d’endurance, ou « Ki ».

Pour survivre, il n’est pas tant question de frapper que de ne pas laisser l’ennemi le faire. Car les démons, même les plus faibles, sont capables d’une paire de pichenettes bien ajustées de vider la mieux remplie des jauges de santé.

« Nioh », ou l’art des armes. | Team Ninja

Alors on évite, on roule, on pare, et surtout, on enchaîne les coups. Mais tout ça fait baisser la jauge de Ki, qu’on remplira quasi instantanément d’une pression sur la touche R1 adroitement ajustée à l’issue d’un enchaînement dévastateur. Quand on a compris ça, Nioh devient quasiment un jeu de rythme, de danse, tandis qu’on multiplie les « combos » sans relâche. Surtout, la moitié du jeu consiste à surveiller la jauge de Ki de l’adversaire. De s’amuser, tel un chat, jusqu’à l’épuisement de la souris.

Il y a là une approche quasi stratégique de l’affrontement. Et pour y parvenir, le joueur a à sa disposition de nombreux stratagèmes. Parce qu’outre les coups de base, Nioh s’enrichit rapidement, pour chaque type d’armes, de tonnes de compétences à débloquer : des contres, des enchaînements, des « chopes »… Certes facultatives, elles permettent pourtant de développer son style de jeu, au choix plus ou moins offensif, défensif, ou élusif.

Terra incognita

Finalement, c’est là que se cache le vrai lien entre Nioh et Dark Souls. Pas tellement dans l’architecture des niveaux, pas tellement même dans la difficulté, et encore moins dans la direction artistique, mais bien dans l’exploration. Cette même exploration qui est l’ADN du jeu de From Software et qu’on a d’abord pu croire absente de son faux jumeau Nioh.

Sauf que plutôt que d’offrir au joueur de vastes terra incognita à explorer, ses développeurs préfèrent lui tendre un impressionnant éventail de mécaniques à comprendre, à décrypter, à assimiler. Comme autant de compas, de sextants, de boussoles, pour cartographier la grammaire d’un jeu de prime abord un peu abscons.

En bref

C’est plutôt pour vous si :

  • Vous aimez la danse
  • Et la cartographie
  • Mais qu’au fond vous n’aimez rien tant que de taper très fort sur des démons

Ce n’est pas pour vous si :

  • Vous n’en pouvez plus qu’on vous parle de Dark Souls toutes les cinq minutes

On a aimé :

  • Les mouvements rapides
  • Les combats fluides
  • Le scénario (relativement) limpide

On n’a pas aimé :

  • Les graphismes tout de même assez vilains
  • La direction artistique très banale

La note de Pixels

5,5 / 7 samouraïs