Le chef d’orchestre Stanislaw Skrowaczewski est mort
Le chef d’orchestre Stanislaw Skrowaczewski est mort
Par Marie-Aude Roux
Grand brucknérien, le Polonais naturalisé américain s’est éteint mardi 21 février, à Minneapolis à l’âge de 93 ans.
Le chef d’orchestre polonais, naturalisé américain, Stanislaw Skrowaczewski. | © TOSHIYUKI URANO/INTERMUSICA
Le grand chef d’orchestre polonais naturalisé américain, Stanislaw Skrowaczewski, brucknérien reconnu qui poursuivit, durant 56 saisons, avec l’Orchestre du Minnesota, un compagnonnage d’une longueur sans précédent dans l’histoire des grands orchestres américains, est mort, mardi 21 février, à l’âge de 93 ans, à l’hôpital méthodiste Saint-Louis de Minneapolis (Minnesota).
Né le 3 octobre 1923 à Lwow, en Pologne (aujourd’hui Lviv, en Ukraine), c’est un enfant précoce qui commence l’étude du piano et du violon à l’âge de 4 ans, compose sa première œuvre symphonique à 7 ans, et se produit en public à 13 ans en dirigeant du piano le Troisième Concerto, de Beethoven. Malgré la censure soviétique (1939-1941), le jeune Skrowaczewski s’ouvre à la culture et au monde : il apprend l’anglais grâce à la BBC durant la seconde guerre mondiale. En 1941, blessé à la main par une bombe au cours de l’assaut nazi, il doit mettre un terme prématuré à sa carrière de pianiste.
Après la guerre, Stanislaw Skrowaczewski s’est installé à Cracovie, nouveau centre musical de la Pologne. Il y obtient ses premiers succès de chef d’orchestre et de compositeur, plébiscité par Andrzej Panufnik et Witold Lutoslawski (dont il dirige la première américaine du Concerto pour orchestre en 1958). En 1946, le jeune chef est désormais directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Wroclaw (Breslau). Un an plus tard, le voici en route pour Paris. Il se perfectionne auprès de Nadia Boulanger, Arthur Honegger et Pawel Klecki (1947-1949), rejoint l’organisation avant-gardiste du Groupe Zodiaque qui se donne comme manifeste la défense de la liberté de langage contre toutes les « tyrannies artistiques ». En 1948, il est à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France pour la première parisienne de la Cinquième Symphonie, de Chostakovitch.
Une carrière internationale à partir de 1958
De retour en Pologne, Skrowaczewski prend la tête de l’Orchestre philharmonique de Katowice (1949-1954), puis du Philharmonique de Cracovie (1954-1956). Après des années de travail derrière le rideau de fer communiste, il remporte en 1956 le Concours international de l’Académie Sainte-Cécile de Rome. Les portes s’ouvrent. Devenu l’un des chefs permanents de l’Orchestre Philharmonique de Varsovie (1956-1959), il est surtout invité deux ans plus tard par George Szell pour diriger en 1958 le prestigieux Orchestre de Cleveland. Sa carrière internationale est lancée. En 1959, à l’âge de 36 ans, le chef polonais obtient la citoyenneté américaine et quitte définitivement son pays. En 1960, il prend la succession d’Antal Dorati à la tête de l’Orchestre symphonique de Minneapolis (renommé en 1979 Orchestre du Minnesota). Un poste qu’il occupe pendant dix-neuf ans, durant lesquels il enregistre, entre autres, Schubert, Ravel, Bartok et Stravinski pour Mercury, avant de décider de se consacrer davantage à la composition tout en menant une carrière de chef invité.
Durant ces deux décennies, Stanislaw Skrowaczewski a conduit la plupart des grandes phalanges symphoniques tant aux Etats-Unis (Chicago Symphony, Boston Symphony, Los Angeles Philharmonic, Philharmonic de New York) qu’en Europe (Concertgebouw d’Amsterdam, London Symphony, orchestres de Munich et de Vienne). Avec certains, il entretient des rapports plus assidus – ainsi les orchestres de Philadelphie, Cleveland et Pittsburgh, la Philharmonie de Berlin qu’il dirige régulièrement jusqu’en 2011.
Une importante discographie
1984 constitue une nouvelle étape : le maestro accepte à nouveau de se fixer et devient chef principal du Hallé Orchestra de Manchester jusqu’en 1991. Durant ces années, il réalise de nombreuses tournées et enregistrements (pour RCA, Chandos, etc.). Comme tous les chefs de sa génération, Stanislaw Skrowaczewski possède une importante discographie. Ainsi avec le Yomiuri Nippon Symphony Orchestra au Japon dont il est nommé chef principal en 2007 (de nombreux « live » pour Columbia Records). Avec l’Orchestre symphonique de la Radio de Sarrebruck, dont il est devenu chef émérite en 2015, après une longue collaboration marquée de gravures importantes, dont une intégrale unanimement saluée des symphonies de Bruckner enregistrée autour des années 2000 et parue en 2006 (chez Oehms Classics, anciennement Arte Nova Classics), qui est couronnée en 2012 par une médaille d’honneur de la Bruckner Society of America.
Peu connue du grand public, l’œuvre de Stanislaw Skrowaczewski a été cependant largement jouée et gravée : son Concerto pour orchestre (1985) et sa Passacaglia immaginaria (1995) ont même été nommés pour le Prix Pulitzer. Au cours de la dernière année de sa vie, Stanislaw Skrowaczewski composait un Requiem pour orchestre et chœur. Respecté pour l’intégrité de sa pensée musicale, sa fidélité aux hommes et l’élégance d’une direction toute en finesse, Skrowaczewski est resté jusqu’au bout une personnalité discrète et chaleureuse, reconnue et appréciée de tous. Comme lors de ce dernier concert avec l’Orchestre du Minnesota en octobre 2016, à l’âge de 93 ans, où il avait encore dirigé avec concentration et panache la tentaculaire Huitième symphonie, de Bruckner.
Stanisław Skrowaczewski: Passacaglia immaginaria (1995)
Durée : 23:56