Trois murs troués de portes et fenêtres pour seul décor dans « Réversible ». | Alexandre Galliez

Devant la façade d’une maison ordinaire, les huit jeunes acrobates de Réversible, spectacle de la troupe de cirque canadienne Les 7 doigts de la main, passent au micro pour évoquer, qui son grand-père, qui sa grand-mère. Leurs souvenirs ont nourri ce spectacle. « L’idée de cette production m’est venue lors d’un séjour dans la ferme familiale du Massachusetts, raconte Gypsy Snider, l’un des 7 doigts. Cette propriété est dans ma famille depuis quatre générations. J’étendais du linge à l’extérieur. J’ai ressenti la grande solitude de n’avoir personne autour, sur des kilomètres. Je ne pouvais pas me souvenir de la dernière fois où j’avais eu ce sentiment. J’ai alors pensé à toutes les femmes de ma famille qui ont fait les mêmes gestes au même endroit et je me suis sentie moins seule. Regarder vers le passé semblait me donner des forces pour le futur. »

Cette expérience intime sera le moteur de Réversible. Comme souvent dans cette compagnie parmi les plus reconnues dans le monde, les rênes sont tenues par un ou deux metteurs en scène sur les sept qui constituent la troupe. Gypsy Snider, également auteure de Loft (2002) et Traces (2006), aime appuyer son geste théâtral sur des espaces précis. « Je voulais un décor architectural de trois murs mobiles, qui pourraient créer à la fois des espaces de vie fermés et des façades extérieures, explique-t-elle. C’est ce qui a donné son titre au spectacle. Les murs représentent les barrières personnelles, la séparation et la protection. Les portes évoquent l’ouverture tout comme la fermeture. Les fenêtres sont une incitation à un certain voyeurisme. Mais ce sont d’abord d’excellents moyens de placer les éléments circassiens dans un contexte humain et de tendre un miroir au public. »

Intentions et improvisations

Un an avant les premières répétitions, en 2015, Gypsy Snider a proposé une liste de questions à chacun des acrobates, à charge pour eux de plonger dans leur mémoire familiale. « Il leur fallait trouver des histoires sur leurs grands-parents, poursuit-elle. Des événements qui ont marqué leurs vies. » À partir des confidences de chacun, des scènes et des personnages se sont imposés, soufflés par la virtuosité des jeunes artistes, des personnalités exubérantes, qu’ils soient experts en jonglage, hula-hoop, acrobaties aériennes ou mât chinois.

« Au cœur de chacun de nos spectacles, il y a toujours une intention première, puis des improvisations théâtrales, précise Gypsy Snider. Cela permet à notre travail d’être authentique, brut et évolutif. » Dans le contexte de nos vies bousculées, les courses vives et autres pics acrobatiques, entre la chambre et le bureau des interprètes de Réversible, claquent avec force. « Réversible nous aide à définir un chemin pour le futur, et m’a permis aussi de me rapprocher du public, poursuit Gypsy Snider. Nous avons tous des grands-parents. Des souvenirs qui nous ont construits et nous lient. »

« Réversible », Les 7 doigts de la main. Le Bataclan, 50, bd Voltaire, Paris 11e. Jusqu’au 1er avril. www.bataclan.fr

La vidéo de présentation de « Réversible »

Les 7 doigts de la main • "RÉVERSIBLE" Teaser
Durée : 01:49