Avenue Friedland, dans le 8e arrondissement, à Paris. | BORIS HORVAT / AFP

Le marché immobilier résidentiel est-il en train de s’emballer ? C’est en tout cas ce que les agents immobiliers croient. Au premier trimestre 2017, les ventes du réseau Guy Hoquet ont bondi de 15 % en France, et même de 17 % à Paris, selon les chiffres publiés mardi 28 mars.

Pourtant, 2016 avec 845 000 ventes était déjà une année record. « Les premiers mois de 2017 sont atypiques, souligne Fabrice Abraham, directeur général de Guy Hoquet, qui avec 24 000 ventes réalisées l’an dernier représente près de 3 % du marché. Les périodes hivernales sont, d’ordinaire, calmes et habituellement, les veilles de grandes échéances électorales entretiennent l’attentisme des acquéreurs. Là, c‘est tout l’inverse », s’étonne-t-il.

Les prix s’en ressentent. A Paris, ils ont progressé de 5,2 % en un an, pour atteindre à fin mars 8 743 euros le mètre carré selon le réseau Century21. En province, des villes comme Lyon, avec une hausse de 5,4 %, Bordeaux, bientôt à deux heures de Paris par le train (+ 5 %), Nantes (+ 4,3 %) témoignent d’un mouvement général, selon Guy Hoquet. En revanche, Grenoble, Valence, Perpignan, Orléans et Le Mans voient leur cote baisser.

Comment expliquer ce coup de chaud sur le marché immobilier ? L’amorce, depuis novembre 2016, de la hausse des taux d’intérêt, conjuguée à celle des prix des logements, incite les candidats à l’achat à concrétiser rapidement leur opération. « Les banques ont graduellement élevé leurs taux, de 1,40 % à 1,65 %, pour un crédit sur vingt ans dans notre réseau. Résultat, une mensualité de 1 000 euros par mois permet d’emprunter 204 000 euros contre 209 000 il y a quelques mois, analyse Sandrine Allonier, du courtier en ligne Vousfinancer.com. Il faut s’attendre à rattraper les 2 % d’ici à fin 2017, mais se rappeler que c’est encore inférieur aux 2,20 % de mars 2016. »

Le déséquilibre entre offre et demande s’accentue

Les nouveaux entrants sur ce marché résidentiel attisent aussi l’inflation. Les primo-accédants, qui ne revendent donc pas de bien pour en acheter un autre, représentent, chez Guy Hoquet, 41 % des clients, alors qu’ils n’étaient que 30 % en 2015.

Il en est de même des investisseurs qui, faute de placement alternatif, sécurisent leur épargne en achetant de l’immobilier et comptent pour 18 % des acquéreurs, contre 11 % il y a deux ans. Le déséquilibre entre offre et demande s’accentue et alimente la hausse des prix. « Nous accueillons 20 % de candidats à l’achat de plus, mais le nombre de mandats a, lui, chuté de 15 % », observe M. Abraham.

Le décalage est plus flagrant encore dans la capitale : la demande augmente de 30 %, les offres diminuent de 20 %, « un déséquilibre inédit », selon M. Abraham, qui crée une pression sur les prix. Les délais de négociation raccourcissent en conséquence, passés à quatre-vingt-neuf jours, soit six jours de moins qu’en 2016, voire à soixante-quatre jours à Paris, encore loin du record de quarante-six jours atteint en 2013.

« La hausse des taux et des prix finira, d’ici au second semestre, par décourager quelques acheteurs, ce qui calmera l’inflation, excepté dans la capitale où le marché s’auto-alimente », rassure Laurent Vimont, PDG de Century21, qui s’attend donc à « une correction salutaire ».

Cherté du logement en France

La question du logement trop cher, peu abordée dans la campagne pour l’élection présidentielle, taraude pourtant une large majorité de français : ils sont 92 % à penser qu’être propriétaire est positif et 71 % à considérer qu’il est difficile, voire très difficile, de se constituer un patrimoine immobilier (sondage Lab pour le Crédit foncier, réalisé du 12 au 17 janvier 2017, auprès de 2 000 personnes de 18 ans et plus).

Ce sentiment de ne pas pouvoir réaliser son projet s’accroît d’une génération à l’autre : 65 % des répondants pensent qu’il est plus difficile de devenir propriétaire aujourd’hui qu’à l’époque de leurs parents et 61 % redoutent que cela s’aggrave pour leurs enfants.

Parmi les 27 pays européens, la France se distingue par la cherté de son logement. Une étude publiée par Deloitte, en juillet 2016, la place en deuxième position, derrière le Royaume-Uni, qu’il s’agisse des prix du mètre carré ou du pouvoir d’achat. Les Britanniques doivent ainsi consacrer 11 années de revenus à l’achat d’un logement standard de 70 mètres carrés, les Français 8, mais les Allemands seulement 3,3, les Belges 3,8 et les Néerlandais 4,2.

« Le coût du logement, en France, pèse sur le pouvoir d’achat, à tel point que les 25 % les plus pauvres de la population doivent consacrer 31,3 % de leurs revenus au logement, contre 24,9 % en 2001, souligne Pierre Madec, de l’Observatoire français des conjonctures économiques. Cette situation pénalise aussi la mobilité, avec une mauvaise adéquation entre emploi et logementSi les prix de l’immobilier français avaient suivi ceux des Allemands, cela aurait correspondu à une hausse de revenus de près de 13 %. » L’Organisation de coopération et développement économiques avait elle-même chiffré à 5 % la perte de compétitivité de la France, entre 2000 et 2010, à cause du renchérissement de l’immobilier.