Rien n’est encore joué. Les Goldman Sachs, JPMorgan ou Citigroup n’ont pas encore officialisé la manière dont ils comptaient faire évoluer leur dispositif européen pour tenir compte de la sortie du Royaume-Uni de l’Europe. Alors que le quotidien britannique Financial Times estime que Francfort caracole – de très loin – en tête pour récupérer des morceaux de la City, Paris croit en ses chances.

« Les grandes institutions financières comptaient avoir arrêté leurs plans au moment où l’article 50 serait déclenché. J’ai l’impression qu’elles ont retardé leurs projets. Pour moi, c’est bon signe. Cela veut dire qu’elles attendent le résultat des élections en France et donc qu’elles conservent Paris sur leur liste », analyse Christian Noyer, l’ancien gouverneur de la Banque de France, émissaire de la place de Paris auprès des acteurs de la finance. Et d’ajouter  : « Les grandes banques regardent en priorité Paris et Francfort. Mais si la France avait l’intention de sortir de l’euro, tout serait remis en cause. »

« Nos contacts s’accélèrent. Nous avons des retours favorables, notamment en ce qui concerne les sociétés de gestion d’actifs et les grandes banques internationales de marchés, qui sont désormais en discussion avec nos autorités de régulation. Mais beaucoup attendent l’issue de l’élection présidentielle », confirme Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace.

Aucune envie de quitter Londres

Même les acteurs plus petits sont suspendus au verdict des urnes. « Nous suivons 30 à 35 comptes dont nous savons qu’une immense majorité va se concrétiser, mais il faut encore attendre l’obtention de l’agrément auprès de l’Autorité des marchés financiers [AMF], la rentrée scolaire et surtout les élections », souligne Robin Rivaton, directeur général de Paris Région Entreprises, l’agence de développement économique de l’Ile-de-France.

En réalité, les uns et les autres n’ont aucune envie de quitter Londres et cherchent à minimiser les ajustements. « Les banques et les sociétés de gestion sont en train de saisir que la perte du passeport européen va les obliger à bâtir de véritables implantations dans l’Union européenne, et pas seulement de simples boîtes aux lettres administratives », explique M. de Bresson.

Dans un premier temps, les grandes banques devraient relocaliser une partie de leurs ressources dans plusieurs centres financiers européens – dont Paris –, avant, sans doute, de revoir leur dispositif dans quelques années, en fonction à la fois de l’évolution des négociations entre le Royaume-Uni et l’Europe et de l’accueil reçu sur leurs nouvelles terres d’asile.

Les autorités françaises haussent le ton

Nul n’attendait, en tout cas, que la France mobilise autant d’énergie pour attirer un secteur financier pour laquelle elle n’a jamais débordé d’affection. De part et d’autre du Rhin, la tension est montée d’un cran. Tandis que les responsables français ironisent à l’envi sur le manque de charme de Francfort, les Allemands se moquent de la propension de leurs voisins à faire la grève.

Selon nos informations, les autorités françaises ont même haussé le ton contre la Banque centrale européenne (BCE), l’accusant de favoriser Francfort, sa ville natale. Paris n’a pas apprécié que le superviseur bancaire européen (SSM) ait participé, le 30 janvier, à une réunion organisée par la BaFin, l’autorité de tutelle allemande, pour promouvoir Francfort auprès de 50 banques étrangères. Danielle Nouy, la présidente française du SSM, au contraire, insiste sur la neutralité de l’institution : « Nous sommes neutres vis-à-vis des villes qui accueilleront les banques installées à Londres », a-t-elle réaffirmé, lundi 27 mars.

Autre front, les autorités françaises sont entrées en résistance contre la volonté affichée par Bruxelles de relocaliser l’Autorité bancaire européenne (EBA) de Londres… vers Francfort. « Concentrer, à Francfort, la BCE, le superviseur bancaire unique, le régulateur des assurances et encore le régulateur bancaire, ne serait pas équilibré pour l’Europe », plaide Gérard Rameix, le président de l’AMF.