La presse brésilienne s’est fait l’écho des aveux d’Emilio Odebrecht, fondateur du géant du BTP qui porte son nom, sur ses affaires avec l’Angola, mercredi 26 avril. La première entreprise brésilienne du bâtiment et travaux publics est au cœur d’un scandale de corruption aux ramifications dans une douzaine de pays d’Afrique et d’Amérique latine. Des hommes politiques, des ex-ministres et d’anciens présidents sont soupçonnés d’avoir perçu des pots-de-vin en échange de marchés publics.

Odebrecht s’est lancé à l’international en Angola, pendant la guerre civile qui a suivi l’indépendance, en 1975. En association avec des entreprises et des officiels soviétiques puis russes, les Brésiliens ont construit l’usine hydroélectrique de Capanda, sur le fleuve Kwanza, dans la province de Malanje (nord). Cet immense chantier, lancé en 1987, a été interrompu et retardé à cause de l’instabilité dans la région. Inaugurée finalement en 2004, l’usine de Capanda fournit de l’électricité à Luanda et à six provinces. Odebrecht emploie toujours 20 000 personnes en Angola.

Dans sa déposition devant le procureur général de la République, à Brasilia, Emilio Odebrecht a raconté qu’il traite directement avec le président angolais José Eduardo dos Santos, depuis 1984. Les deux hommes se réunissent tous les ans pour suivre l’avancement des projets. L’entrepreneur brésilien revendique d’ailleurs un rôle dans la signature de l’accord de paix qui avait mis fin à la guerre civile, en 1992. Les Nations unies avaient sollicité le soutien logistique du groupe Odebrecht pour leur mission d’observation en Angola.

« Avoir une occupation »

Après la guerre civile, José Eduardo dos Santos a fait une demande bien précise au patron d’Odebrecht. « Le président a demandé notre soutien pour le développement de programmes destinés à ses anciens généraux, affirme Emilio Odebrecht. Comment pourrions-nous aider à les transformer en entrepreneurs, pour qu’ils puissent avoir une occupation et ne viennent pas perturber la stabilité de son gouvernement en Angola ? »

Dans ce deal, Odebrecht apportait son savoir-faire, tandis que les militaires apportaient les capitaux nécessaires, accumulés grâce aux prises de guerre. « Ces associations, sans le moindre doute, sont l’un des facteurs qui ont favorisé le traitement privilégié dont bénéficie le groupe en Angola », admet Emilio Odebrecht.

En Angola, comme en Amérique latine, le groupe a compté avec des crédits de la Banque nationale de développement économique et social (BNDES), une institution brésilienne qui rivalise avec les banques multilatérales. En 2009, lorsque le fléchissement du cours du pétrole a réduit le budget angolais, Emilio Odebrecht a sollicité l’intervention du président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, pour obtenir une rallonge de la BNDES. En échange du crédit de 1 milliard de dollars (915 millions d’euros) destinés aux chantiers angolais, le ministre brésilien du plan, Paulo Bernardo, a demandé une commission de 40 millions de dollars pour le Parti des travailleurs (PT), la formation du président Lula.

La présidente Dilma Rousseff, la dauphine de Lula destituée en 2016, avait placé les contrats de la BNDES avec l’Angola et Cuba sous le sceau du secret.