Dix-sept ans après Jean-Paul II, le pape François se rend en Egypte. Mais les objectifs des deux pontifes sont assez différents. Pour le pape polonais, la priorité avait été de se rendre au Sinaï, où Moïse aurait entendu l’appel de Dieu et reçu les Tables de la loi des dix commandements. Le pape argentin accomplit un autre voyage avec un triple objectif. D’abord, assurer la petite communauté catholique de son soutien. Si elle ne regroupe que 0,3 % de la population égyptienne, elle est très présente, comme son homologue palestinienne, dans l’éducation et la santé. On ne saurait d’ailleurs oublier l’action de sœur Emmanuelle parmi les chiffonniers du Caire.

Le dimanche des Rameaux

Ensuite, le pape doit prier avec le patriarche Théodore II et réaffirmer sa solidarité avec l’église copte frappée le dimanche des Rameaux par deux attentats ayant causé la mort d’une quarantaine de personnes. Même si l’église copte, dite monophysite ou non-chalcédonienne, n’est pas unie à Rome en raison de conflits théologiques datant des IVe et Ve siècles. Elle demeure, et de loin, la principale église chrétienne du Proche-Orient. Elle compte environ 8 millions de fidèles, soit plus que toutes les églises des pays voisins qui, notamment en Syrie et en Irak, ne cessent de voir leurs effectifs se réduire pour cause d’émigration des croyants vers l’Europe ou l’Amérique.

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Réputés disciples de l’évangéliste Marc, les coptes d’Egypte sont théologiquement très proches des coptes éthiopiens au nombre d’environ 20 millions, ainsi que des coptes d’Erythrée, du Soudan et de Libye. Les coptes vivant dans des régions arabo-musulmanes jouent un rôle important en Afrique du Nord-Est malgré les persécutions. Des hommes comme l’acteur Omar Sharif ou l’ancien secrétaire général de l’ONU puis secrétaire général de la Francophonie, Boutros Boutros-Ghali, avaient un rayonnement international.

Dialogue interreligieux

Enfin, le pape François doit rencontrer le grand imam de la mosquée Al-Azhar, plus haute autorité morale du monde sunnite. Le pape interviendra à la Conférence internationale sur la paix organisée par la mosquée. Cette rencontre se situe dans le prolongement du voyage pontifical en Terre sainte (mai 2014) à l’issue duquel le souverain pontife avait, dans les jardins du Vatican, prié pour la paix avec des religieux chrétiens, juifs et musulmans. Le dialogue interreligieux sera au cœur de cette conférence significative dans un pays qui a vu naître la confrérie des frères musulmans plus islamistes qu’œcuméniques.

Comme lors de tous les voyages pontificaux, une visite au chef de l’Etat, le président Sissi, est prévue alors que l’Egypte connaît de fortes tensions entre le pouvoir politique et les milieux islamiques. Au moment où le djihadisme ensanglante le Proche-Orient, le pape François, tout en affirmant sa solidarité avec les chrétiens de la région, ne souhaite pas mener une croisade contre l’islam. Il espère seulement que ce voyage pourra apaiser un peu les tensions entre tous ceux et celles qui se présentent comme fils et filles d’Abraham.

Odon Vallet est écrivain et enseignant, doctorant en droit et en sciences des religions. Administrateur de la société des lecteurs du « Monde », il dirige la Fondation Vallet qui, depuis 2003, a remis près de 12 000 bourses à des étudiants béninois.