Le virage stratégique de Goldman Sachs dans l’activité de prêt
Le virage stratégique de Goldman Sachs dans l’activité de prêt
LE MONDE ECONOMIE
La banque d’investissement s’attaque au marché du crédit aux particuliers et aux entreprises.
Le comptoir de Goldman Sachs au New York Stock Exchange, à New York. | REUTERS
C’est un peu comme si un pilote de formule 1 se transformait à ses heures perdues en chauffeur de VTC. Goldman Sachs (GS), la Ferrari de la finance, maître incontesté de la banque d’investissement et de la gestion de fortune, est en train d’accélérer son développement dans le prêt aux particuliers et aux entreprises, selon des sources proches du dossier citées par le Wall Street Journal. Pour le groupe, s’attaquer au marché du crédit, à l’instar des banques de détail classiques, constitue une véritable révolution culturelle.
« Nous sommes une banque, nous devrions agir en tant que tel », avait prévenu en février Lloyd Blankfein, le PDG de GS. Cette volonté de banalisation affichée s’explique par la profonde mutation du monde bancaire depuis la crise financière de 2008. Sous la pression des régulateurs, le secteur a été amené à réduire son exposition au risque et à la spéculation, ce qui pèse désormais sur la rentabilité des établissements, qui n’ont jamais retrouvé leur niveau de profit d’avant la crise de 2008.
Depuis, les investisseurs préfèrent miser sur les banques présentes sur tous les métiers, aussi bien la banque d’investissement que celle de détail. Un choix, qui garantit des revenus plus modestes mais aussi plus régulier. C’est ce contexte qui conduit aujourd’hui GS à accélérer sa diversification. L’activité de prêt constitue un relais de croissance, au moment où le potentiel de la banque d’affaires prend conscience que, sur ses métiers historiques comme les fusions-acquisitions ou les introductions en Bourse, le marché n’est pas extensible à l’infini. Dans le crédit, « on ne peut que croître », fait remarquer Stephen Scherr, le patron de GS aux Etats-Unis.
Les encours de crédit de la banque ont ainsi doublé depuis 2011 pour atteindre 95 milliards de dollars, le volume de prêts immobilier a été multiplié par dix et le crédit aux entreprises a triplé. Mais ce n’est qu’en janvier de cette année que le groupe a créé une entité spécifique dédiée aux particuliers et à la banque commerciale, regroupant plusieurs centaines de salariés.
Cette mutation s’accompagne d’un changement profond dans le recrutement, la banque d’affaires n’hésitant pas à faire venir des pointures du secteur comme les spécialistes de la carte de crédit, Discover ou Capital One, mais aussi des professionnels du marketing et du commercial venant par exemple du monde de la distribution.
Ce virage stratégique trouve ses origines dans la crise, lorsqu’en septembre 2008, à court de cash en raison des retraits effectués par ses clients et de la chute de sa valorisation boursière, GS avait consenti à changer son statut juridique pour devenir une banque commerciale, ce qui lui permettait d’accéder aux liquidités proposées par les pouvoirs publics pour éteindre l’incendie financier. Mais ce statut de banque commerciale, longtemps resté une coquille vide, n’a véritablement été réactivé qu’à l’issue d’une décision remontant à l’été 2014.
Une seconde étape a été franchie à l’automne 2016 avec la création de Marcus, une activité de prêts en ligne destinés aux particuliers. Cette entité a ainsi prêté plus de 1 milliard de dollars en six mois. Parallèlement, la banque cherche également à développer les prêts aux entreprises à l’occasion d’opérations de fusions-acquisitions.
En l’espace de trois ans, elle est passée du 9e au 3e rang dans ce domaine. Les dépôts ont ainsi fait un bond spectaculaire, passant de 28 milliards de dollars en 2008 à 124 milliards aujourd’hui, même si GS ne joue pas encore dans la même catégorie que JPMorgan, qui en totalise 1 400 milliards. Mais la banque de Llyod Blankfein ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et envisage désormais de se lancer dans le crédit automobile ou les prêts pour les achats sur Internet. La question est maintenant de savoir si un pilote de F1 peut devenir un bon chauffeur de VTC.