Dans la prison de Fresnes, le 20 septembre 2016. | PATRICK KOVARIK / AFP

Le tribunal administratif de Melun, saisi par l’Observatoire international des prisons (OIP), a ordonné, mercredi 3 mai, au ministre de la justice de prendre en urgence une série de neuf mesures pour améliorer la situation à la maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne) : dératiser, changer les matelas infestés de punaises, faire en sorte que les plats chauds n’arrivent pas froids dans les cellules, assurer l’eau chaude et le chauffage, augmenter l’accès au travail des détenus, rappeler aux surveillants les règles pour les fouilles à nu et pour éviter les violences, etc.

La décision intervient cinq mois après le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté sur les conditions de détention au sein de l’établissement, qui ont été qualifiées de « traitement inhumain ou dégradant », et un mois après la publication du rapport de visite du Comité européen de prévention contre la torture.

En revanche, la demande principale portée devant le juge des référés par l’OIP sur des mesures destinées à résoudre le problème de la surpopulation carcérale, qui était une première en France, a été rejetée. Devant cet échec relatif de son action, l’Observatoire a immédiatement décidé de faire appel. Le Conseil d’Etat devrait être saisi sous deux semaines et examiner, sans doute début juin, ce dossier emblématique de la condition des détenus. Le taux d’occupation des locaux à Fresnes, l’un des établissements les plus vétustes du pays, atteint 197 %, avec plus de 2 500 détenus.

Nouveau bras de fer

Patrice Spinosi, l’avocat de l’OIP, a l’ambition d’amener le Conseil d’Etat à étendre les pouvoirs du juge des « référés libertés », la voie procédurale empruntée à Melun. « On ne peut plus être dans une situation où un juge reconnaît qu’il y a un problème de surpopulation dans une prison et qu’il y a des traitements inhumains et dégradants, et conclut qu’il n’y peut rien », résume l’avocat.

Le juge des référés de Melun a en effet constaté que les injonctions sollicitées (moyens financiers et humains supplémentaires, travaux, limitation du nombre de détenus à deux par cellule) pour répondre aux problèmes posés par la surpopulation ne sont pas au registre des mesures à bref délai qu’il peut imposer. Il conclut qu’elles ne relèvent pas du code de justice administrative.

Un nouveau bras de fer juridique va s’engager devant la juridiction suprême de l’ordre administratif, sous l’œil de la Cour européenne des droits de l’homme. Bien sûr, le juge administratif n’a pas de pouvoir d’injonction à l’égard de l’autorité judiciaire, seule habilitée à décider de l’incarcération ou de la libération d’une personne condamnée ou prévenue. L’administration pénitentiaire a, elle, l’obligation de prendre en charge les personnes que la justice lui envoie. Mais, selon M. Spinosi, le juge administratif est, par la voie du référé liberté, le juge naturel des traitements inhumains et dégradants.

Sans attendre une éventuelle condamnation de la France par la Cour de Strasbourg, saisie à l’été 2016, sur le seul fait de la surpopulation endémique de ses établissements pénitentiaires, « le juge administratif est dans l’obligation de répondre au problème posé », estime l’avocat. Le risque existe que si rien n’est fait, la CEDH prenne un « arrêt pilote » contre la France, comme elle l’a fait contre l’Italie en 2013 et la Croatie en 2016. Plusieurs saisines de détenus français introduites par l’OIP sur ce point ont été retenues par la Cour européenne qui devrait statuer sous deux ans.

Au-delà du cas de Fresnes, c’est la question de la situation de l’ensemble des maisons d’arrêt qui est posée. Alors que le nombre de personnes détenues a atteint le 1er avril le record de 70 230 (pour 58 670 places), la population des prévenus et des courtes peines explose. Pour éviter que la situation continue de se dégrader au rythme actuel, l’OIP demande une meilleure régulation à l’entrée et à la sortie de détention.