Arianespace met les bouchées doubles pour rattraper le retard
Arianespace met les bouchées doubles pour rattraper le retard
LE MONDE ECONOMIE
En dépit du mois de blocage du site de Kourou du fait du mouvement social en Guyane, Arianespace entend bien réaliser les douze lancements prévus cette année.
Objectif maintenu ! En dépit du mois de blocage du site de Kourou, Arianespace entend bien réaliser les douze lancements prévus cette année. Alors que trois tirs de fusée avaient été effectués avec succès sur les six envisagés au premier semestre, le mouvement de paralysie de la Guyane, fin mars, a brisé cet élan. « Par chance, nous n’avions pas de lancement prévu entre le 25 avril et le 28 juin », apprécie Stéphane Israël, le PDG de la firme européenne, « et nous allons profiter de cette pause pour rattraper notre retard ». Ainsi une Ariane 5 a placé en orbite, jeudi 4 mai, deux satellites brésilien et coréen. Un autre tir est annoncé pour le 1er juin, avec, dans l’intervalle, à la mi-mai, un lancement de Soyouz.
« Si tout se passe comme prévu, nous retomberons donc sur nos pieds. C’est très important tant pour nos clients que d’un point de vue financier », souligne le dirigeant. Selon les estimations provisoires, le mouvement social a coûté 500 000 euros par jour à Arianespace et ses partenaires sur la base, soit plus de 15 millions d’euros sur un mois, en raison des coûts irréversibles comme ceux des fluides utilisés pour le lancement annulé du 21 mars. Ils incluent également la remise en état du lanceur ou le maintien sur place des équipes venues spécialement pour un lancement. Pour préparer un tir de Soyouz, trois cents Russes s’installent sur la base, s’ajoutant aux 1 700 salariés présents en permanence sur le site. « Pendant ce mois, nous avons toujours assuré la mise en sécurité des satellites et des lanceurs », précise-t-il. Il a fallu notamment faire repartir à Toulouse un satellite bloqué à l’aéroport de Cayenne, pour le faire revenir après la fin du blocus.
Compétition sévère
« Le maintien de nos douze lancements est d’autant plus important que nous sommes dans un environnement qui n’a jamais été aussi compétitif », insiste le M. Israël, faisant allusion tant à Space X qu’aux intentions du PDG d’Amazon, Jeff Bezos, dans le spatial. Face à ces nouveaux entrants et aux projets de la Silicon Valley, dopés par Elon Musk qui a déstructuré ce marché avec sa Falcon 9, les Européens se sont réorganisés depuis deux ans. Jusqu’alors très éclatée, la filière spatiale est maintenant totalement regroupée et intégrée dans Airbus Safran Launchers (ASL), à l’image de ses concurrents américains Space X ou United Launch Alliance (ULA) qui fabrique les fusées Delta.
A la suite des réorganisations, Arianespace est devenue une filiale à 74 % d’ASL. A ce titre, son patron est également responsable des lanceurs de la maison mère. « Nous ne pouvions plus avoir un système où les responsabilités étaient saucissonnées », explique Stéphane Israël « Cette nouvelle organisation, allant de la conception au lancement en passant par la fabrication et la commercialisation des lanceurs, nous permettra d’aller plus vite et de nous adapter aux différentes demandes », déclare-t-il. L’entreprise ira plus loin dans la chaîne de valeur, avec une livraison du lanceur au décollage ; à l’inverse, le client va en quelque sorte s’inviter dans les usines à travers le rapprochement entre Arianespace et ASL. Les constructeurs assumeront les risques : ASL ceux liés aux fusées Ariane, et l’italien Avio, ceux de la fusée Vega, le plus petit des lanceurs proposé par Arianespace.
Quant à la future Ariane 6, qui sera en service dans trois ans, une nouvelle étape a été franchie fin avril avec le lancement de la production des modèles de qualification, destinés aux essais au sol. « Nous avons fixé plus précisément la date du premier lancement, ce sera en juillet 2020 », révèle M. Israël, mais le choix du client n’a pas encore été arrêté. En plus de la compétitivité de la fusée, 40 à 50 % moins chère qu’Ariane 5, les Européens mettent en avant ses performances technologiques. Le moteur Vinci de l’étage supérieur sera réallumable et pourra, par poussées successives, déployer des satellites sur des orbites différentes. Une réponse à l’évolution du marché où fleurissent les projets de constellations de satellites. Et surtout une manière de se préparer à une compétition sévère entre lanceurs.