TV : « Hollywood Gossip. Les commères d’Hollywood »
TV : « Hollywood Gossip. Les commères d’Hollywood »
Par Renaud Machart
Notre choix du week-end. Un documentaire retrace les méfaits, parfois dévastateurs, de deux journalistes à potins du cinéma américain (dimanche 7 mai sur OCS Géants à 19 h 45).
Hollywood Gossip, Les Commères D’Hollywood - le 7 mai sur OCS
Durée : 01:03
A ceux qui ne savaient rien d’Hedda Hopper (1885-1966), la série Feud, de Ryan Murphy, en cours de diffusion sur Canal+ Séries, a rappelé qui fut, avec Louella Parsons (1881-1972), la chroniqueuse mondaine des potins d’Hollywood la plus célèbre aux Etats-Unis, des années 1930 à 1960. Mais Feud fait d’Hopper un portrait partiel : si ses chapeaux légendaires (qui, dans les jours fastes, concurrençaient dangereusement les constructions fruitières couvrant le chef de l’actrice Carmen Miranda) sont reconnaissables, Murphy a mis de côté l’influence létale de la journaliste, qui, au moment des purges anticommunistes de l’après-guerre, fut un limier frénétiquement dévoué au service de J. Edgar Hoover, le directeur du FBI, et du maccarthysme.
Le documentaire de Clara et Julia Kuperberg documente plus complètement le portrait de cette ancienne actrice (Hopper avait joué, au début du parlant, dans quelque cent vingt films), devenue journaliste au Los Angeles Times, « pistonnée » par les studios de cinéma d’Hollywood.
« Hollywood Gossip » : Louella Parsons à droite. | OCS
Les producteurs pensaient avoir installé un contre-pouvoir à Louella Parsons, considérée comme la « reine » ou « la première dame » d’Hollywood » (comme Hopper plus tard, Parsons s’exprimait à la télévision et à la radio en sus d’être publiée par les journaux). Mais, ainsi que s’en rendit compte, hélas ! trop tard, Louis B. Mayer, le patron de la Metro-Goldwyn-Mayer (MGM) : « Au lieu de me débarrasser d’un monstre, j’en ai créé un second… » Car il fallait composer avec ces deux redoutables commères : même leur silence à propos d’un acteur ou d’un film était remarqué et dommageable.
Parsons avait d’autant plus de pouvoir qu’elle travaillait pour le puissant groupe de presse de William Randolph Hearst et était lue, ainsi que le rappelle l’un des historiens du cinéma témoignant dans ce documentaire, dans plus de quatre cents journaux dans le pays, grâce à ce que les Américains appellent la « syndication ».
Quand Citizen Kane, d’Orson Welles, sortit, en 1941, Louella Parsons s’empressa de signaler à qui de droit que le personnage principal du film était une satire de son patron. S’ensuivit une campagne massive et haineuse de dénigrement, de mauvaises critiques, encouragée par Hearst.
Cible favorite : Chaplin
Cependant, Parsons était intéressée plus généralement par les potins intimes ou par « la couleur des murs de la salle de bains » des vedettes ; Hopper, quant à elle, était beaucoup plus politisée – à droite toute, et viscéralement anticommuniste.
Avant même de dénoncer de nombreux artistes des studios hollywoodiens pour « activités antiaméricaines » présumées, elle fera de Charlie Chaplin une cible favorite, lui reprochant d’avoir profité des Etats-Unis sans en prendre la nationalité : « Il est venu pour dîner, et il est resté quarante ans », persiflera-t-elle en une formule restée fameuse.
Hopper suggéra, sans donner de noms, mais en livrant assez d’indices pour qu’on les identifie sans peine, l’homosexualité de certains, les liaisons extraconjugales d’autres, ouvrant la voie au journalisme de tabloïd.
C’est l’objet de la troisième partie du documentaire, qui évoque le magazine Confidential – auquel les studios intentèrent, en 1957, mais sans succès, un procès retentissant –, qui alla encore plus loin que ces commères, et la chaîne TMZ, aux Etats-Unis, qui prouve que, les bornes dépassées, il n’y a désormais plus de limites.
Hollywood Gossip. Les commères d’Hollywood, de Clara et Julia Kuperberg (Fr., 2016, 53 min).