« On a réussi notre petite révolution » : à Châlette-sur-Loing, les pro-Macron goûtent leur plaisir
« On a réussi notre petite révolution » : à Châlette-sur-Loing, les pro-Macron goûtent leur plaisir
Par Nicolas Lepeltier (Châlette-sur-Loing, Loiret, envoyé spécial)
Dans cette petite ville ouvrière du Loiret qui avait placé Mélenchon en tête au premier tour, près de deux électeurs sur trois se sont portés sur le candidat d’En marche !.
Dépouillement du vote à Châlette-sur-Loing (Loiret), le 7 mai. | JULIEN DANIEL / MYOP POUR LE MONDE
« Le Pen, Le Pen, Macron, Macron… » Il est 19 h 10. Les premiers bulletins de vote sont dépouillés, sous l’œil vigilant des assesseurs et devant une dizaine d’habitants, tenus à distance respectable derrière des barrières métalliques. « Macron, Macron, Le Pen, Macron… »
A 19 h 40, le résultat ne fait plus de doute : Emmanuel Macron remporte quelque 65 % des suffrages dans le bureau de vote numéro 1 de Châlette-sur-Loing, dans le Loiret, un score quasi-identique au score obtenu par le candidat d’En marche ! au niveau national. Cette petite ville ouvrière et multiculturelle de 13 000 habitants, située près de Montargis, est la seule du département à avoir placé Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) en tête au premier tour.
Pour Ludovic Marchetti, conseiller municipal et régional Front national (FN), la défaite est amère. « On voit que les “insoumis” ne sont pas aussi insoumis que ça, ironise-t-il. On pensait que la raison allait l’emporter sur l’idéologie médiatique, mais c’est clairement une victoire de la médiacratie. »
Ludovic Marchetti se dit déjà tourné vers la bataille des législatives pour laquelle il est candidat dans la quatrième circonscription du Loiret. « Je dis aux électeurs : réfléchissez bien à toutes ces personnes de l’UMPS qui ont appelé à voter pour quelqu’un qu’ils dénonçaient il y a peu. A Châlette, on va finir à plus de 30 %. On ne pourra plus dire maintenant qu’il n’y a pas de vote d’adhésion pour le Front national », tente-t-il de se persuader, avant de gagner dans la soirée la permanence du FN à Orléans.
« Rien n’est joué, c’est à l’Assemblée que se votent les lois »
De son côté, Franck Demaumont, maire (Front de gauche) de Châlette-sur-Loing, est soulagé. « J’ai appelé à faire barrage au FN en utilisant le bulletin Macron. La fille du millionnaire est éliminée, c’est une bonne chose pour la République », se félicite-t-il.
Mais il prévient aussitôt, sur un ton résolu de premier opposant : « Rien n’est joué, c’est à l’Assemblée nationale que se votent les lois. Avec les 7 millions de voix obtenues par Mélenchon, on peut élire des centaines de députés », s’enflamme-t-il. Avant de reconnaître que dans la 4e circonscription du Loiret, une terre de droite dans laquelle il brigue également le siège de député, les choses seront très compliquées.
Il est 20 h 02. Une voiture passe, fenêtres ouvertes : « Macron président, ouais ! Le Pen, tu seras jamais présidente », suivi de propos peu amènes pour la candidate frontiste. 20 h 45, place Victor-Hugo de Montargis, sous-préfecture du Loiret surnommée « la Venise du Gâtinais ».
Dépouillement du vote à Châlette-sur-Loing, le 7 mai. | JULIEN DANIEL / MYOP POUR LE MONDE
Sourd aux mises en garde de leurs opposants, quelques dizaines de sympathisants d’En marche ! célèbrent la victoire de leur candidat au bar lounge Belman. Les sourires sont sur tous les visages, les petits fours sont disposés sur les tables, les premières bouteilles ont été débouchées. Près du bar, la télévision annonce les derniers résultats. Près de deux électeurs sur trois se sont portés sur Emmanuel Macron. Un score inattendu.
« Personne n’y croyait il y a encore un an »
« Ce n’est que le début », s’enthousiasme Emmanuel Vaussion. Il y a un an, il a créé le premier comité En marche ! dans le Loiret. « On me disait alors : “Tu choisis le candidat qui n’a aucune chance de gagner”. » Aujourd’hui, il goûte son plaisir sans modération. « Mon téléphone n’arrête pas de sonner. En décembre, nous n’étions encore qu’une vingtaine de membres, aujourd’hui on est plus d’une centaine de marcheurs. J’ai beaucoup donné. »
Interrogé sur la forte abstention et le vote blanc record, Emmanuel Vaussion répond : « Ce soir, j’ai envie de regarder le verre à moitié plein. Notre mouvement n’a qu’un an, et on a déjà réussi notre petite révolution », souligne-t-il, optimiste quant à la capacité d’Emmanuel Macron d’arracher une majorité à l’Assemblée.
Assise au fond du bar, Nathalie Demaret abonde. « Personne n’y croyait il y a encore un an. Malgré son jeune âge, il a réussi à se montrer convaincant avec son punch et ses idées nouvelles, savoure l’élégante femme, qui a rejoint le mouvement depuis mars seulement. Ça rassure, on se dit que les Français ne sont pas complètement idiots. »