Hockey sur glace : le dernier combat en bleu de Cristobal Huet
Hockey sur glace : le dernier combat en bleu de Cristobal Huet
Par Bruno Lesprit
A 41 ans, le gardien de l’équipe de France fait ses adieux internationaux lors du championnat du monde. Il affronte mardi soir à Bercy son deuxième pays, la Suisse.
Le gardien Cristobal Huet, coupé à la lèvre lors du match contre la Norvège, le 6 mai au Palais omnisports de Paris-Bercy. | GRIGORY DUKOR / REUTERS
Ce gardien fut longtemps le joueur le plus en vue de l’équipe de France de hockey sur glace, et souvent le seul que connaissait le grand public, signe que les Bleus souffrirent sur les patinoires.
Le championnat du monde de hockey, disputé à Paris et à Cologne, offre l’ultime occasion de voir à l’œuvre Cristobal Huet – dit « Cristowall » ou encore « la Muraille de France » – sous le maillot du coq. A 41 ans, le doyen de la sélection de Dave Henderson livre son dernier combat international. Et le troisième match a pour lui une saveur particulière puisqu’il oppose la France à son deuxième pays, la Suisse, mardi 9 mai (à 20 h 15) au Palais omnisports de Paris-Bercy.
Marié à une Suissesse originaire du canton de Vaud, Huet a en effet obtenu la double nationalité en 2010, année de son retour en Europe. Il avait alors passé huit saisons outre-Atlantique, Etats-Unis et Canada, et venait de se distinguer avec les Blackhawks de Chicago en devenant le seul Français à remporter la coupe Stanley, le trophée qui couronne le vainqueur de la NHL, la Ligue nord-américaine. Cocorico ? « J’ai eu un peu de chance de tomber dans la bonne équipe », commente-t-il humblement, puisque jamais il ne s’imposa là-bas comme titulaire.
La franchise de l’Illinois, qui souhaitait alléger sa masse salariale – Huet toucha plus de 5,5 millions de dollars par saison –, trouva un accord avec Fribourg-Gottéron, qui le céda à Lausanne en 2012. C’est avec ce club, qu’il a aussitôt aidé à remonter dans l’élite helvétique, qu’il raccrochera bouclier et mitaine à la fin d’avril 2018. Autant dire qu’Huet connaît l’adversaire sur le bout des doigts, si l’on ajoute les quatre années (1998-2002) où il a évolué à Lugano.
La relève est assurée
Les changements de clubs, facilités en hockey par cette bourse aux joueurs qu’est la draft, contrastent avec la permanence d’Huet depuis deux décennies dans les buts de l’équipe de France. « C’est contraignant de disputer un championnat du monde chaque année, confiait-il avant le début de la compétition. J’avais pensé arrêter avant, puis j’ai décidé de continuer jusqu’à cette échéance excitante. » En 2013, Cologne et Paris obtiennent en effet l’édition 2017, une première pour la France depuis 1951. Le rêve de tout hockeyeur français, des montagnes comme des plaines, devient réalité, le pays n’ayant plus reçu l’aristocratie de la discipline depuis les Jeux d’hiver d’Albertville en 1992.
Huet aurait probablement encore reporté sa décision si les Bleus s’étaient qualifiés pour les Jeux de Pyeongchang, en février 2018. En homme de devoir, il s’apprête en tout cas à les quitter la conscience tranquille : « On a une bonne relève avec Florian Hardy et Ronan Quemener. C’est aussi un signal pour moi que je peux arrêter. » Le premier a été le héros de la victoire historique (une première en match officiel) contre la terreur finlandaise (5-1), dimanche 7 mai. Huet était ce jour-là mis au repos.
La veille, il n’avait rien pu faire pour éviter une défaite (3-2) face à la Norvège. En dépit d’un défaut dans sa cuirasse sur le premier but concédé, il a multiplié les sauvetages et donné de sa personne. Faute de maillot de rechange disponible, on l’a vu ainsi emprunter celui de Ronan Quemener. Le sien était en effet taché de sang après une coupure à la lèvre.
« Le problème, c’est de se déplacer »
Tout joueur de champ le confirmera : il faut être fêlé pour vouloir être gardien de hockey. Né à Saint-Martin-d’Hères (Isère), le jeune Cristobal a commencé ce sport dès l’âge de 6 ans dans l’institution locale, les Brûleurs de loups de Grenoble, où son père, gardien de foot à ses heures perdues, emmène ses deux fils voir les matchs.
Afin de se distinguer de son frère, et parce qu’« ils cherchaient un gardien », il se porte candidat pour le rôle de Cerbère. Un sacerdoce qui va bientôt le contraindre à arrêter des projectiles pouvant atteindre 170 km/h. « Quand j’ai commencé, ça faisait mal, reconnaît-il. Aujourd’hui on est mieux protégé. C’est pas le shoot le problème, mais de se déplacer. » Avec une vingtaine de kilos sur le corps, plastron, protège-coudes, jambières. Et son physique de déménageur (1,83 m, 95 kg) qui ne correspond pas au poste, où l’on trouve, si l’on peut dire, les gringalets de la profession.
Son esprit de sacrifice est tôt récompensé : à 20 ans, son fantasme de garder les buts des Brûleurs de loups et devenir international est déjà réalisé. Au printemps 1997, il goûte à Helsinki à son premier championnat du monde puis aux Jeux olympiques, en février 1998, à Nagano. Si cette deuxième expérience ne se renouvellera qu’à Salt Lake City en 2002, le retour des Bleus dans l’Elite lui permet de participer cette année à son treizième Mondial dans cette division, un record partagé avec le Biélorusse Andreï Mezine et la légende soviétique Vladislav Tretiak.
Avec les Tricolores, il connaîtra deux relégations, suivies de remontées immédiates, avant que les joueurs de Dave Henderson réalisent une campagne exceptionnelle à Minsk en 2014, en atteignant les quarts de finale – après une victoire contre le monstre canadien, grâce à un incroyable arrêt. Un exploit que les Bleus rêvent de rééditer à domicile.
Cristobal Huet amazing save - France 3:2 Canada
La Suisse « culturellement imprégnée par le hockey »
La Suisse a contribué à accélérer son destin. Vainqueur de la Ligue Magnus en 1998 avec Les Brûleurs de loups, Huet devait, pour trouver championnat à sa taille, s’exiler l’année suivante à Lugano, club avec lequel il remporte la Ligue nationale A (LNA) dès sa première saison. « C’est un petit pays culturellement imprégné par le hockey, rappelle-t-il. Ce n’est pas le sport numéro 1 car le foot l’emporte, mais il n’est pas loin. Les matchs sont diffusés à la télé, il y a 8 000 spectateurs en moyenne [soit quatre fois plus que pour la Ligue Magnus française] et même 17 000 à Berne. Comparons-nous plutôt à l’Italie, et là on est en avance ! »
Face à la « Nati » (7e nation au classement de l’IIHF, la fédération internationale), les Bleus (14e) ne partiront pas favoris, comme à leur habitude. En neuf confrontations au championnat du monde depuis 1998, les Français ne se sont imposés que deux fois, sur le score de 4-2, à Saint-Pétersbourg en 2000 et à Helsinki en 2012. Evidemment, Huet était titulaire.
A son âge canonique, le no 39, encore élu meilleur gardien de la LNA en 2015 après avoir réalisé sept blanchissages, ne craint pas l’enchaînement infernal des rencontres : « C’est vrai que sept matchs en onze jours, même quand on a 20 ans, personne ne le fait en dehors des hockeyeurs. Mais jouer deux fois en deux jours, je le fais en Suisse tous les week-ends, le vendredi et le samedi. Cela dit, cette dernière année, j’ai plutôt été utilisé pour les matchs couperet. » Celui contre la Suisse en est déjà un, dont le résultat orientera les Bleus vers un possible quart ou la rituelle lutte contre la relégation.