Les candidats à la reprise de Tati ont déposé leurs offres définitives
Les candidats à la reprise de Tati ont déposé leurs offres définitives
LE MONDE ECONOMIE
Le tribunal de commerce de Bobigny décidera, début juin, du sort des 1 754 salariés de la filiale du groupe Eram.
Manifestation de salariés de Tati, le 22 mai, à Lyon. | JEFF PACHOUD / AFP
Qui remportera les magasins Tati à la barre du tribunal de commerce de Bobigny ? Mardi 23 mai, Me Philippe Jeannerot, administrateur judiciaire à Versailles, et son confrère Me Laurent Le Guernevé ont reçu trois offres de reprise pour Agora Distribution, la filiale du groupe Eram qui exploite les enseignes Tati, Fabio Lucci, Giga Store et Dégrif Mania, et emploie 1 754 salariés (dont 1 500 en contrat à durée indéterminée).
Toutes seront présentées aux représentants du personnel d’ici à vendredi. Les juges examineront ces dossiers le lundi 29 mai. Le tribunal devrait rendre sa décision dans la semaine du lundi 5 juin.
Un mois après le placement en redressement judiciaire, dans le cadre d’une procédure dite de « prepack cession » censée accélérer le processus de vente commencé en février par le groupe Eram, Tati et ses salariés devraient être fixés sur leur sort.
« Mieux-disante socialement »
Beaucoup d’entre eux ont déjà fait leur choix. L’intersyndicale CGT-CFDT-UNSA s’est prononcée en faveur de Gifi. Philippe Ginestet, le PDG fondateur de cette enseigne de produits de décoration, dit vouloir relancer la marque Tati et y injecter 80 millions d’euros. A en croire celui qui a « pour modèle » Jules Ouaki, fondateur de la solderie Tati en 1948 à Paris, deux ans suffisent pour relancer cette chaîne déficitaire, qui a accusé en 2016 des pertes opérationnelles de 60 millions d’euros pour 350 millions de chiffre d’affaires. Tout en conservant son positionnement sur les marchés du textile et du bazar.
Le profil de ce self-made-man de 63 ans, son plaidoyer, ses promesses d’embauche et la « puissance de son enseigne » ont convaincu les employés, selon Tahar Benslimani, délégué CFDT. Depuis, M. Ginestet a amélioré sa proposition, par deux fois. Mardi 23 mai, son offre portait sur la reprise de « 123 magasins, dont 109 en France » pour assurer l’avenir de « 1 300 emplois directs ». Soit 100 de plus qu’initialement.
Son rival – un consortium qui, pour la circonstance, allie quatre concurrents, Stokomani, Centrakor, La Foir’Fouille et Maxi Bazar, et un logisticien, Dépôt Bingo – a lui aussi fait dans la surenchère. Il propose de reprendre 95 magasins pour les faire basculer sous ses propres enseignes de déstockage et décoration, et s’engage à poursuivre les contrats de travail de 1 258 personnes. Initialement, son offre portait sur 1 051 postes, puis 1 150 postes. « Notre offre est mieux-disante socialement que celle de Gifi, si on y inclut les emplois indirects que notre projet préserve chez les sous-traitants de Tati », fait valoir Olivier Rondolotto, PDG de Centrakor.
A l’en croire, elle serait aussi moins risquée que la relance de Tati promise par Gifi sur un marché du textile laminé par la crise. « Hors Kiabi et Primark, il n’y a pas un modèle qui tient la route aujourd’hui ! », juge M. Rondolotto.
« Accès prioritaire à l’embauche aux employés non repris »
Pour vanter les mérites de leur offre, ces acteurs méconnus du grand public ont aussi promis « des offres de reclassement » et un « accès prioritaire à l’embauche aux employés non repris ». « Chaque année, ces quatre enseignes créent près de 1 000 emplois », assure M. Rondolotto. Car, partout en France, ces distributeurs ouvrent à tout-va. Stokomani (70 magasins aujourd’hui) inaugure 10 magasins, en moyenne, par an, depuis sa prise de contrôle par le fonds d’investissement canadien Sagard en 2012. Centrakor (325 points de vente contre 40 en 2004) ouvrira 35 magasins d’ici à la fin 2017.
Le consortium avance un autre argument : Maxi Bazar, autre success-story de la décoration à petit prix, s’est portée candidate pour reprendre la marque Tati et 13 de ses magasins dont ceux situés à Paris, dans le quartier de Barbès. Enfin, ensemble, ils sont prêts à apporter « plus de 20 millions d’euros » lors de la reprise et à améliorer les conditions de licenciement des salariés non repris, à hauteur de 2 millions.
Babou, dernier prétendant, espère lui mettre la main sur six emplacements Tati en région parisienne. Thierry Morter, directeur général, n’a pas réussi à s’allier avec les autres candidats car l’enseigne vise les meilleures adresses. Notamment boulevard Diderot, à Paris, mais aussi à Pontault-Combault (Seine-et-Marne), ou Gennevilliers (Hauts-de-Seine), sur des zones commerciales réputées que lorgnent également Stokomani, La Foir’Fouille et Centrakor. A lui seul, il est prêt à débourser 5 millions d’euros, somme qui pourrait abonder le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Un argument que les juges pourraient entendre.
Le tribunal pourrait obliger les candidats à s’allier à Babou pour préserver cette manne au profit des salariés. « Puisque ce n’est pas Eram qui va financer le licenciement des employés non repris », fait valoir M. Morter. Eram, qui exploite notamment les chaînes Gémo et Bocage, a essuyé des pertes nettes de 250 millions d’euros en 2016, pour un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros, en recul de 5 % par rapport à 2015.