Tapioca, plumes et capteurs pour les 2-10 ans
Tapioca, plumes et capteurs pour les 2-10 ans
Par Pierre Gervasoni
Grâce à des technologies pointues mais ludiques, des ateliers découverte permettent aux enfants de toucher le son du doigt.
PHILIPPE BARBOSA
« C’est un lieu secret », assure Odile Fayet, responsable du projet « Le son au bout des doigts » pour les enfants de 2 à 10 ans. Il est accessible au Centre Pompidou jusqu’au 18 juin, mais, courant mai, il a déjà pris forme au niveau – 4 de l’Ircam par la magie d’un drôle de mobilier.
D’un côté, des Dirtis, interfaces sonores conçues par Matthieu Savary (User Studio), et de l’autre, un MOC, application vidéo mise au point par Béatrice Lartigue (LAB 212). Que les parents anglophones se rassurent : rien de sale ni de dégradant dans les Dirtis, ces espaces de jeu mis à disposition des bambins. Au contraire. L’un, de petite taille, se cache sous un tas de plumes soyeuses. L’autre, de 120 cm de diamètre, est en partie recouvert de perles de tapioca. « Jouez avec », insiste Grégoire Lorieux, conseiller technique Ircam.
Ludique et mystérieux
Alors, même si l’on a passé l’âge des bacs à sable, on s’exécute et s’extasie devant la qualité des sons produits en caressant les petites graines vertes. Explication : les mouvements du tapioca ont été captés, à travers leur support de Plexiglas, par une caméra reliée à un ordinateur et à des haut-parleurs. Si le dispositif technologique est assez pointu (captation et reconnaissance du geste, synthèse granulaire), il se présente sous une forme ludique et mystérieuse. « Plutôt que de contrôler le son sur une tablette, explique Grégoire Lorieux, on le profile avec une interface qui a quelque chose de magique. »
Mais l’expérience tactile ne s’arrête pas là. Le jeu connaît aussi un prolongement sur écran, avec des graphismes inédits et, surtout, d’authentiques œuvres d’art. Connectées au Dirti à base de plumes, quelques pièces des collections du Centre Pompidou réalisées avec le même matériau. Par exemple, Les Plumes d’Esope, de Pino Pascali, un représentant de l’arte povera. « Quand l’enfant zoomera sur l’œuvre, précise Odile Fayet, il en verra des détails, ce qui le préparera à une approche ultérieure, en vrai. » Une visite du musée est, en effet, couplée à l’atelier.
Sur un autre Dirti, des copeaux de bois qui sentent le pin et, émergeant d’un troisième, des sons marins enregistrés puis traités en studio par la compositrice Ariadna Alsina Tarrés. Cette fois, c’est un film d’Ange Leccia, La Mer, qui sera projeté avec les sons. « Les enfants auront envie de suivre le mouvement, prédit Odile Fayet, et, en suivant le rythme des vagues, ils composeront, à plusieurs, l’orchestration. »
Des tables interactives
Pour elle, l’action collective est importante. Elle se poursuivra au Topo-phonie Café. Là, les enfants se retrouveront autour d’une table, pas pour discuter mais pour créer des sons. Des tables un peu spéciales… « Interactives, munies de capteurs, et dessinées comme des cartes topographiques, révèle Grégoire Lorieux. Selon qu’on frotte, qu’on frappe ou passe une fourchette sur les rainures, il y aura une réponse différente de la table, avec un univers propre à chacune : bruits de foule, tintements de verre, etc. » Tandis que défileront sur un écran des œuvres d’art inspirées par ce thème et signées Daniel Spoerri ou Marc Chagall.
Les designers de ce Topo-phonie Café, Dominique Jakob et Brendan MacFarlane, étant aussi les auteurs des volutes métalliques qui ornent le « Georges », le parcours sensoriel a des chances de s’achever dans ce restaurant situé au 6e étage du Centre. « Dans la programmation de ManiFeste 2017, les ateliers sont un peu les concerts pour les enfants », conclut Grégoire Lorieux.
En tout cas, l’opération est à marquer d’une pierre blanche car elle consacre pour la première fois l’association du Centre Pompidou et de l’Ircam dans le secteur du jeune public. Pourtant, en 1977, un des premiers programmes de recherche lancés dans l’Institut fondé par Pierre Boulez portait sur « les bases ontogéniques de la perception musicale, plus particulièrement axée sur la perception du temps chez les nouveau-nés ». On en aura fait du chemin, en quarante ans.
Le son au bout des doigts, au Centre Pompidou, atelier des enfants. Du 1er au 18 juin, de 14 h 30 à 17 h 30. De 8 € à 10 € (un adulte et un enfant). Gratuit le 4 juin.