TV : « Cary Grant, de l’autre côté du miroir »
TV : « Cary Grant, de l’autre côté du miroir »
Par Joël Morio
Notre choix du week-end. Dans la vie, l’acteur emblématique de l’âge d’or d’Hollywood était beaucoup plus tourmenté que les personnages élégants et drôles qu’il incarnait à l’écran (dimanche 11 juin sur Arte à 22 h 45).
Becoming Cary Grant (2016) | Official Trailer | A Film by Mark Kidel
Un homme, au milieu d’un champ, courant se réfugier dans une plantation de maïs pour échapper à un avion qui le pourchasse : cette scène, tirée de La Mort aux trousses, le film d’Alfred Hitchcock, est, sans doute, la plus célèbre qu’ait jamais tournée Cary Grant. Elle est peut-être aussi symbolique de la vie de cet acteur qui se sera caché et cherché presque tout au long de sa vie.
Dans le chef-d’œuvre du maître du suspense, un publicitaire new-yorkais, Roger Thornhill, est pris par des malfaiteurs pour George Kaplan, un agent qui travaille pour le gouvernement. A la suite de divers quiproquos, il se fait finalement passer pour lui et entre dans le personnage de Kaplan. En revanche, dans la vraie vie, Archibald Alexander Leach – le véritable nom du comédien – ne parviendra jamais à être Cary Grant, cet homme charmant et drôle qui apparaît à l’écran. « Tout le monde voudrait être Cary Grant. Moi aussi, je veux être Cary Grant ! », finira-t-il par avouer.
Thérapie sous LSD
L’existence d’Archibald Alexander Leach aura été beaucoup plus chaotique que celle de l’élégant et affable Cary Grant, étoile qui éblouira Hollywood pendant près de trois décennies. Marié cinq fois, l’acteur aura des relations compliquées avec les femmes.
C’est grâce à Betsy Drake, sa troisième épouse, que Cary Grant commencera à comprendre son instabilité matrimoniale. Elle lui conseillera d’entreprendre une thérapie sous LSD. N’appartenant pas tout à fait à l’Angleterre de ses origines ni à l’Amérique de son succès, l’acteur tente par cette cure – légale à l’époque – de guérir de ses fêlures identitaires. Elle lui permet de prendre conscience qu’il fait payer aux femmes ce que sa mère lui a fait subir.
Cary Grant dans les années 40. | © Yuzu Productions
Pendant longtemps, le jeune Archibald, dont le frère aîné est mort dans un accident causé par sa mère, a cru que cette dernière l’avait abandonné à l’âge de 11 ans. Né à Bristol, au Royaume-Uni, dans une famille modeste, il est alors livré quasiment à lui-même, son père étant parti refaire sa vie ailleurs. Débrouillard et sportif, il devient acrobate. Ce métier le conduit à tourner dans tout le pays et bientôt à se produire à New York, au début des années 1920. Après avoir écumé Broadway dans des comédies légères, il arrive à Hollywood douze ans plus tard et devient Cary Grant. Il apprend quelque temps après que sa mère est toujours vivante et qu’elle a été internée par son père vingt ans plus tôt dans un hôpital psychiatrique.
Logiquement, cette révélation ne l’apaisera pas. Il maintiendra sa mère à distance jusqu’à la mort de cette dernière, au début des années 1970. Malgré tout, sous l’effet conjugué de la paternité et de sa thérapie particulière, Cary Grant parviendra à atteindre une certaine forme de sérénité. Ces séances sous LSD servent d’ailleurs ici de fil rouge à Mark Kidel pour retracer le parcours de l’acteur.
Cary Grant - Marilyn Monroe Car Scene
Agrémenté d’extraits de ses plus grands chefs-d’œuvre et des films tournés par Cary Grant lui-même, à travers lesquels se révèle sa vision du monde, ce documentaire nous laisse néanmoins sur notre faim. Car s’il met en lumière les troubles de l’acteur, disparu en 1986, grâce aux pensées et aux doutes qu’il a consignés dans une autobiographie jamais publiée, le film reste très discret sur sa vie. On ne touche pas trop à une figure d’Hollywood.
Cary Grant, de l’autre côté du miroir, de Mark Kidel (Fr-EU, 2015, 52 min).