« Ma thèse en 180 secondes » : la pop culture au service de la vulgarisation scientifique
« Ma thèse en 180 secondes » : la pop culture au service de la vulgarisation scientifique
Par Gabrielle Ramain
Les seize finalistes de cette compétition nationale n’ont pas hésité, mercredi à Paris, à user de métaphores pour se faire comprendre.
« “Méthodes informatiques de détection de signatures moléculaires de convergence évolutive” comme quoi parfois c’est court, mais on ne comprend pas quand même » lance Marie-Charlotte Morin qui coanime la 4e édition de « Ma thèse en 180 secondes ». Pourtant cet intitulé barbare, Olivier Chabrol, doctorant à l’Université d’Aix-Marseille, parvient à le rendre vivant, clair et compréhensible aux 600 personnes venues assister à la finale nationale de cette compétition, au studio 104 de la Maison de la Radio. Il a choisi, comme la majorité des seize finalistes, d’emprunter à la pop culture des « références universelles ».
Je vais vous raconter comment j’ai rencontré Batman. J’étais au laboratoire, et dans un bruissement d’ailes de chauve-souris, il est apparu. Il s’est approché et il m’a dit : “Olivier, j’ai un nouvel ennemi… l’homme dauphin. Il a le même pouvoir que moi, il se repère dans l’obscurité grâce à un sonar, bref il fait de l’écholocation.”
Sa présentation digne d’un one-man-show qui démarre sur la métaphore de Batman et se termine sur un clin d’œil à la série « Bref » lui vaut le 3e prix du jury.
Références « pop »
Pendant deux heures, seize doctorants défilent sur scène. Ils n’ont que trois minutes et une seule diapositive pour présenter, expliquer et vulgariser le sujet de leur thèse. De la « séro-épidémiologie des arboviroses prioritaires » à l’« étude de la cavitation par impact mécanique et par ultrasons pour la dégradation de composés organiques », public et jury en prennent plein les oreilles. La scénographie est travaillée, le décor léché, les journalistes de Radio France et d’Arte devenus animateurs pour la soirée chauffent la salle, et le succès au rendez-vous.
Sabrina : "Je vais faire mon maximum pour Liège !" #mt180 RDV Le 28/09 pour la finale internationale ! https://t.co/0GchBTGwXI
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Mais pour en arriver à un tel niveau de théâtralisation, il faut « des mois de travail » rappelle Olivier Chabrol. « J’ai fait 37 versions de mon texte » confie le doctorant qui termine sa thèse pour la rentrée 2017. Cent quatre-vingts secondes « c’est beaucoup de simplifications » et forcément le sentiment « de rester en surface ». « Je dis des choses dans ma présentation qui feraient s’arracher les cheveux à mon directeur de thèse », mais la vulgarisation scientifique, surtout lorsqu’il s’agit de maths fondamentales comme dans le sujet d’Olivier, se doit d’emprunter des raccourcis. C’est d’ailleurs avec son « équipe de saut en longueur » composée d’électrons « entraînés par Usain Bolt » que Sabrina Fadloun, de la Communauté université Grenoble Alpes, a raflé le 1er prix du jury et le prix du public. Elle représentera la France lors de la finale internationale à Liège, accompagnée de Davina Desplan, arrivée deuxième, qui a comparé son sujet d’étude, les crèmes hydratantes, à une guerre millénaire entre l’eau et l’huile.
Des doctorants précaires ?
« Ma thèse en 180 secondes » c’est l’occasion pour les curieux d’appréhender des sujets complexes, pour la communauté scientifique d’attirer un public nouveau, et pour les doctorants d’acquérir des « compétences qui serviront sur le marché du travail » souligne Denis Ehrsam, délégué général de la Conférence des présidents d’université, partenaire de la compétition. « Ils apprennent à se vendre et à vendre leur travail, et ça, c’est essentiel », un excellent moyen de montrer au secteur privé que « les doctorants ont aussi des choses à apporter à l’entreprise » rappelle-t-il.
Une nécessité pour ces jeunes chercheurs alors que de nombreux « thésards » peinent à vivre de leurs travaux de recherches. Marie-Charlotte Morin, gagnante de la première édition et qui animait la finale, s’est d’ailleurs permis une piqûre de rappel en remettant le premier prix accompagné d’un chèque de 1 500 euros : « Plus que le salaire d’un doctorant ! » « Sur les six cents participants au départ, seuls trois ont reçu un prix, c’est pareil lorsque l’on veut obtenir un emploi. Des centaines de candidats, pour un ou deux postes dans le public, tout au plus », conclut celle qui a aujourd’hui lancé sa start-up et monté une pièce de théâtre.