Algues vertes : la justice fait un petit pas vers une reconnaissance du danger
Algues vertes : la justice fait un petit pas vers une reconnaissance du danger
Par Martine Valo
Le tribunal des affaires sociales de Saint-Brieuc a ordonné la réouverture des débats sur les causes du décès du chauffeur Thierry Morfoisse, mort en transportant des ulves.
Des barrières interdisent l’accès à une plage de Saint-Brieux en raison de la présence d’algues vertes, en 2011. | DAMIEN MEYER / AFP
C’est un petit pas que vient de franchir le tribunal des affaires de sécurité sociale (TAAS) de Saint-Brieuc, mais il pourrait jouer à terme un rôle décisif dans la reconnaissance du danger des proliférations d’algues vertes. Jusqu’à présent, malgré plusieurs accidents mortels, seules des morts d’animaux ont été officiellement reliées à l’hydrogène sulfuré (H2S) que les marées vertes dégagent en se décomposant.
Thierry Morfoisse, lui, est décédé en 2009, à l’âge de 48 ans, à la déchetterie de Launay-Lantic, dans les Côtes-d’Armor, en descendant de son camion après avoir transporté plusieurs chargements d’ulves pourrissantes ramassées sur la plage de Binic. Son cas donne lieu depuis plusieurs années à une bataille pour faire admettre que la crise cardiaque dont il a été victime correspond effectivement à un accident du travail en lien avec les émanations toxiques de H2S.
Sans trancher sur le fond et malgré des questions de délais non respectés, le TASS a ordonné, jeudi 15 juin, la réouverture des débats afin de savoir à qui appartient d’apporter la preuve du lien de causalité : à la famille de Thierry Morfoisse ou bien à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ? Il souhaite entendre les deux parties lors d’une prochaine audience le 19 octobre.
Une portée symbolique
« C’est une décision positive, estime François Lafforgue, l’avocat de la famille Morfoisse. Il existe en France un principe de “présomption d’imputabilité” lorsqu’un salarié décède sur son lieu d’exercice, qui conduit à conclure à un accident du travail. Nous allons continuer à soutenir qu’il s’applique effectivement dans cette affaire. Si nous sommes entendus, ce sera alors à la CPAM de prouver qu’une autre cause est intervenue dans le décès de M. Morfoisse. »
En attendant que le volet des poursuites pénales avance dans ce dossier du côté du pôle santé publique du tribunal de grande instance de Paris, la reconnaissance d’un accident du travail pourrait donner lieu à des indemnisations en faveur de la famille de M. Morfoisse, embarquée dans des procédures judiciaires difficiles depuis huit ans.
Elle aurait surtout une portée symbolique importante pour les défenseurs de l’environnement, qui dénoncent sans relâche la responsabilité de l’agriculture intensive dans le phénomène des marées vertes. Jeudi, comme à chaque occasion, l’association Halte aux marées vertes occupait le parvis du tribunal de Saint-Brieuc.