Le premier ministre albanais Edi Rama, le 25 juin à Tirana. | Hektor Pustina / AP

Le premier ministre, Edi Rama, a largement remporté les élections législatives albanaises du dimanche 25 juin. Avec 48,3 % des voix et 74 députés, selon des résultats portant sur plus de 95 % des suffrages, il obtient la majorité absolue au Parlement. C’est une claire victoire pour ce premier ministre artiste, qui avant même la publication des résultats, peignait l’Albanie en rose, les couleurs de son parti, sur sa page Facebook. L’ancien étudiant aux Beaux-Arts de Paris assoit donc son pouvoir sur le pays.

Ce basketteur mesurant plus de 1,90 m, à l’allure décontractée – il est allé voter en baskets, survêtement et tee-shirt –, est un adepte d’un socialisme de réformes. C’est un admirateur de Tony Blair et de Michel Rocard. Il compte bien assurer l’avenir européen de l’Albanie, candidate à l’adhésion à l’Union européenne (UE) depuis 2014. Mais il doit pour cela accélérer le rythme des réformes, et notamment celle de la justice, qu’il n’a menée qu’à la fin de son premier mandat.

Adoptée à l’unanimité, pendant l’été 2016, celle-ci doit désormais entrer en application, au risque de heurter certains intérêts partisans. Edi Rama peut se prévaloir d’une forte légitimité pour la mettre en œuvre, et surtout s’attaquer aux fléaux albanais : la grande criminalité et le trafic de drogue. Bruxelles juge les efforts insuffisants dans ces domaines. Si Edi Rama a multiplié les actions spectaculaires – saisies et destructions de plantations –, la culture du cannabis s’est développée.

Pour gouverner, il n’aura plus besoin du Mouvement socialiste pour l’intégration (LSI), qui lui a permis de gouverner en coalition depuis 2013. C’est un tournant dans la vie politique albanaise récente, car le parti du président ­albanais Ilir Meta a toujours joué le rôle de faiseur de rois – en faveur de M. Rama en 2013, après avoir soutenu son rival du Parti démocrate (centre droit), Sali Berisha, en 2009. Pendant la campagne, les deux principaux partis avaient sévèrement critiqué le LSI et affichaient chacun leur volonté de gouverner sans lui.

Un scrutin calme

Le Parti démocrate souffre du départ de son leader historique Sali Berisha. A 72 ans, l’ex-président et premier ministre a quitté le devant de la scène politique, ce qui ne l’empêche pas de tirer les ficelles. Son successeur, Lulzim Basha, 42 ans, affiche une faible performance avec à peine 28,7 % des suffrages et 43 députés. M. Basha s’était signalé en lançant en février une campagne de boycottage des élections législatives et des manifestations à Tirana devant les bureaux du premier ministre pendant plusieurs semaines. La démarche avait sérieusement irrité l’UE. M. Basha a néanmoins fini par passer un accord avec Edi Rama, acceptant de participer aux élections. L’épreuve de force du jeune chef du Parti démocrate ne lui a visiblement pas réussi et il n’est guère parvenu à mobiliser ses électeurs.

Le scrutin s’est déroulé dans le calme, tout comme la campagne électorale, ce qui est inhabituel en Albanie, même s’il y a encore eu des soupçons d’achats de votes et de pressions sur les électeurs. Les incidents le jour du vote ont été limités, sous l’œil de nombreux scrutateurs européens. Le calme de la campagne a fait une victime : la participation. L’heure de fermeture des bureaux de vote a eu beau avoir été retardée d’une heure au dernier moment, elle s’établit à l’un des niveaux les plus faibles en Albanie : 46,5 %.