Rebeka Warrior au Biches Festival, vendredi 30 juin | @Philippe Lévy

La promesse était tentante : un festival de musique indépendante dans le pays d’Auge empruntant son nom à un animal sauvage qui pullulerait dans les bois environnants… Quel meilleur endroit, pour commencer ce demi-tour de France des manifestations culturelles qui animent les territoires pendant l’été, que le Biches Festival, jeune événement normand ayant pour credo de faire découvrir des groupes en devenir ?

Pour son lancement en 2016, le rassemblement avait accueilli les Pirouettes, Juniore et les Anglais de Pins, qui tous firent parler d’eux par la suite. Cinq cents spectateurs ont assisté, vendredi 30 juin, dans un champ à vaches de Cisai-Saint-Aubin (Orne, 180 habitants), à la première journée de la deuxième édition. Les « têtes d’affiche », si l’on peut dire, s’appellent cette année Fishbach, Traams, Mountain Bike et Rebeka Warrior.

Fishbach au Biches Festival, vendredi 30 juin | @Philippe Lévy

Quand Dominique Bécourt, le propriétaire du champ, a accepté, en 2016, de mettre à disposition son terrain, ses collègues éleveurs lui ont fait savoir qu’il faisait une belle bêtise – sous-entendu : et si le festival en question était une rave party ? L’homme ne les a pas écoutés. Il a alors vidé de son foin l’énorme grange située au milieu de la parcelle et est allé faire pâturer ses vaches un peu plus loin afin de libérer l’espace à l’association créée par Tristan et Margaux Nicoleau.

Tous deux travaillent en free-lance dans la communication – lui en tant que graphiste, elle comme gestionnaire de projets Web – et partagent leur temps entre Paris et la Normandie où ils se sont mariés. Bénévoles sur plusieurs festivals (Rock en Seine, Main Square Festival, Calvi on the Rocks…), ils ont décidé de passer à l’acte il y a deux ans en organisant un événement qui « [leur] ressemble », disent-ils d’une même voix : « Le concept de ce festival est de se perdre dans un petit coin de paradis, avec des champs à perte de vue, et de lâcher prise dans une époque où tout est sous contrôle. L’idée est aussi de revenir aux fondamentaux des festivals : poser sa tente, boire une bonne bière, écouter de bons groupes avec du bon son… Et faire la fête entre gens sympas. »

The Unlikely Boys au Biches Festival, vendredi 30 juin | @Philippe Lévy

Toute l’année, Tristan et Margaux écument les salles de concert à Paris et en province afin de repérer des formations musicales émergentes, dans des genres aussi différents que le garage, l’électro, la chanson française ou la pop. « Le but est de les programmer à un moment où on peut encore se les payer », expliquent-ils. Le budget du « Biches » est financé « à 90 % » par leurs deniers propres, le reste se composant de micro-subventions accordées par les villages voisins : l’un d’entre eux n’a pu verser que 30 euros cette année, record du monde de l’aide publique la plus symbolique.

En 2016, les fondateurs se sont mis dans le rouge d’entrée, notamment pour avoir vu trop grand. « En tant qu’habitants du 10e arrondissement, nous avons été très touchés par les attentats de Paris. On a alors voulu exorciser le traumatisme en accueillant sur le festival plus de groupes [25] que ce que l’on avait prévu », racontent-ils.

Flora Fishbach, la chanteuse de Fishbach | @Philippe Lévy

La deuxième édition s’est dotée d’un jour supplémentaire (trois en tout), pour un nombre presque équivalent de concerts (23). Elle a confirmé son ancrage local en proposant de nombreux produits normands (hamburgers au camembert, jus de fruits bio, bières du cru…) et en programmant une demi-dizaine de groupes de la région. Autre spécialité locale, la pluie n’a pas réussi à perturber la fête, endiablée par l’élecro-pop vénéneuse de Fishbach, le groupe de la chanteuse Flora Fishbach. Les biches avoisinantes n’ont pas osé, cependant, venir tendre l’oreille.