Ruée aux guichets de l’agence Northern Rock en septembre 2007, à Londres. | CATE GILLON / GETTY IMAGES / AFP

Editorial du « Monde » . Dix ans, c’est une bonne mesure pour commencer à analyser les ­effets d’une crise économique mondiale. C’est ce que propose Le Monde à partir de ce lundi 3 juillet, avec une série consacrée tout au long de la semaine, en pages économiques, à un retour sur la crise financière de 2007-2008. Un véritable séisme, qui a ébranlé le capitalisme.

Cette crise fut d’abord celle de produits financiers toxiques et de l’irresponsabilité de certaines banques. Les fameux « subprimes », les prêts accordés sans le moindre scrupule aux emprunteurs les moins solvables, ont provoqué une réaction en chaîne, avec la bénédiction des agences de notation, qui finit par atteindre le cœur de la machine financière. Parce que l’épicentre de cette crise se trouve aux Etats-Unis, première économie mondiale, elle va affecter la planète entière, à l’ère de la mondialisation. Des banques célèbres que l’on croyait « trop grandes pour faillir » vont sombrer. D’autres vont être secourues par l’argent public – celui du contribuable.

Mais surtout, aux Etats-Unis, des millions de gens vont se retrouver à la rue, contraints de quitter leur maison acquise grâce à des prêts qu’ils sont incapables de rembourser. En Europe, où la crise financière va révéler les faiblesses de la zone euro, des millions de gens vont se retrouver au chômage, victimes collatérales du séisme.

Dix ans après, les leçons de la crise ont-elles été tirées ? Sur le plan financier et économique, des mesures ont été prises, au premier rang desquelles la loi Dodd-Frank, adoptée aux Etats-Unis en 2010, pour encadrer les produits dérivés et protéger les consommateurs. Mais l’administration Trump, qui a fait de la déréglementation sa priorité, s’affaire aujourd’hui à la démanteler.

La montée du populisme

En Europe, la plupart des banques ont fait le ménage dans leurs bilans ; celles qui ne l’ont pas fait, comme les banques italiennes, sont aujourd’hui à leur tour en grave difficulté. Pour les ménages américains, le fardeau de la dette reste excessivement élevé : si le crédit immobilier a été assaini, le crédit automobile, très peu réglementé, et la dette étudiante qui explose grèvent les budgets de manière disproportionnée.

Sur le plan moral et politique, le bilan est très lourd. Hormis Bernie Madoff, emprisonné pour fraude, les responsables de la crise coulent des jours tranquilles dans des sociétés de conseil ou sur les terrains de golf. Fred Goodwin, l’ancien patron de la Royal Bank of Scotland, qui fut le visage de la crise au Royaume-Uni, vient d’échapper à un procès-fleuve grâce à un règlement à l’amiable avec les plaignants. Dick Fuld, l’ex-PDG de Lehman Brothers, a également échappé à des poursuites pénales et a lancé, à 70 ans, une société de gestion de fortune.

Enfin, la crise ouverte en 2007 nous a donné Donald Trump. L’accroissement des inégalités, la colère et le ressentiment provoqués dans l’électorat, en particulier celui des classes moyennes et populaires, par les effets de la crise expliquent en grande partie la montée du populisme dans les pays à économie de marché ces dernières années.

L’Europe continentale, dotée d’un meilleur réseau de protection sociale que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, y a mieux résisté, mais est encore durement secouée.

Une fois installé à la Maison Blanche, ­Donald Trump s’est entouré d’anciens de Goldman Sachs, chez qui il a puisé ses plus précieux conseillers. Ce n’est pas la moindre perversion de cette crise sans doute ­encore inachevée.