Comment la gazette d’un lycée américain a obtenu une interview du chef du Pentagone
Comment la gazette d’un lycée américain a obtenu une interview du chef du Pentagone
Par Violaine Morin
Un lycéen américain débrouillard a réussi à obtenir 45 minutes d’entretien avec le ministre de la défense américain, habituellement peu disert avec la presse.
Le ministre de la défense de Donald Trump, James Mattis, à Arlington (Virginie), le 7 juillet 2017. | Aaron P. Bernstein / AFP
L’affaire avait eu un petit retentissement dans la presse américaine : dans cet article du Washington Post paru le 11 mai dernier, on voyait sur une photo l’un des gardes du corps du président Donald Trump, un dossier sous le bras. Sur le dossier, un post-it avec un numéro de téléphone.
Le lendemain de la publication, le Washington Post retire la photo : ce numéro n’est autre que le téléphone portable personnel de James Mattis, le ministre de la défense. Entre-temps, Teddy Fischer, élève de seconde au lycée de Mercer Island, une banlieue de Seattle, a noté le numéro. Il laisse un message sur le téléphone du ministre. Qui le rappelle.
La gazette du lycée Mercer Island High School, baptisée The Islander, obtient donc une interview de 45 minutes avec le chef du Pentagone. La directrice de la publication qui supervise le travail des élèves raconte le début de l’aventure.
« Lorsqu’il m’a dit que James Mattis était d’accord, je ne l’ai pas cru. Puis, après avoir reçu trois autres appels pour choisir la date et l’heure de l’interview, Teddy et moi nous sommes mis au travail pour préparer des questions. »
Une interview de qualité
Sur Twitter, des journalistes professionnels et des universitaires spécialistes de politique étrangère saluent le travail de Teddy Fischer, qui pose de « bonnes » questions à un ministre connu pour refuser de nombreuses interviews et intervenir rarement dans les médias. Une transcription complète de leur échange est disponible sur le site de The Islander.
Et en effet, on ne peut qu’être frappé par la pertinence des questions du jeune homme, qui revient plusieurs fois à la charge sur l’Iran, mais aussi sur la menace terroriste ou encore les clivages politiques internes aux Etats-Unis.
James Mattis a la réputation d’être particulièrement lettré. La presse américaine le dépeint volontiers comme un « soldat doublé d’un intellectuel ». Au cours de l’interview, le ministre évoque l’importance d’étudier l’Histoire : « L’Histoire ne te donnera pas de réponses, mais elle te dira quelles questions il faut te poser. » Il suggère au jeune homme d’« ouvrir ses perspectives », et de « ne pas se précipiter pour juger ses concitoyens ».
« Je sais que quand les gens se présentent à une élection, ils doivent dire “Je suis intelligent et mon adversaire est un idiot” (…). C’est de la politique, et il n’y a rien de mal à ça. Mais je suis très très inquiet d’entendre des gens qui considèrent leurs adversaires comme des imbéciles. »
Moins virulent envers l’administration Obama
L’interview se poursuit sur l’évocation d’un « plan Marshall » pour reconstruire le Moyen-Orient en guerre, sur la possibilité d’organiser des « échanges éducatifs » avec des pays dont « l’idéologie est pleine de haine ». Sur la présidence de Barack Obama, le ministre est moins virulent que son président, Donald Trump, reconnaissant le travail d’Hillary Clinton sur les sanctions iraniennes et regrettant que Barack Obama ne l’ait « pas assez écoutée ».
« Je crois que ces deux administrations sont plus des variations sur le même thème que des approches drastiquement différentes. »
Un mystère persistait toutefois : pourquoi le chef du Pentagone avait-il décidé de rappeler le jeune lycéen ? En fin d’interview, M. Mattis répond qu’il a grandi dans l’Etat de Washington, comme le journaliste en herbe qui souhaitait l’interviewer. Il ajoute qu’il faut « aider les élèves », soulignant l’importance de « transmettre aux jeunes ce que nous avons appris ».
De cette rencontre, le journal du lycée, The Islander, a tiré un article de contexte sur les circonstances de l’interview, rédigé par la rédactrice en chef Jane Gormley, mais aussi un article tiré de l’interview sous l’angle de l’éducation comme meilleur moyen de lutter contre le radicalisme.