En Chine et en Russie, les VPN sont interdits par la censure
En Chine et en Russie, les VPN sont interdits par la censure
Les deux pays ont renforcé leurs interdictions des Virtual private Network, ces programmes qui permettent d’accéder à des sites Web interdits.
Cette semaine, la Russie a adopté une nouvelle loi interdisant l’usage des VPN, tandis qu’Apple retirait de son magasin d’applications ces logiciels très populaires.
C’est quoi, un VPN ?
VPN, pour Virtual Private Network (réseau privé virtuel), désigne une technologie qui permet de relier deux ordinateurs à distance. Elle a de nombreuses utilités, par exemple pour se connecter à distance au réseau local d’une entreprise. Mais depuis plusieurs années, l’usage des VPN s’est démultiplié, parce qu’ils sont des outils efficaces pour contourner les blocages de sites Web.
Cas pratique : un internaute chinois souhaite se connecter à Facebook, qui est bloqué en Chine. En utilisant un VPN, il se connecte à un ordinateur situé dans un autre pays, et peut accéder à Facebook ; sa connexion a lieu par le « tunnel » du VPN. Par ailleurs, la plupart des services de VPN chiffrent la connexion, ce qui complique la tâche des censeurs ou d’éventuels espions – il est possible de voir qu’un utilisateur se sert d’un VPN, mais pas quels sont les sites auxquels il se connecte.
Ces services ne garantissent cependant pas un anonymat total et inviolable. En fonction des cadres légaux et techniques des différents services, il peut être possible de retrouver l’identité d’un utilisateur – mais les VPN compliquent très largement la tâche des enquêteurs et des censeurs.
C’est compliqué à utiliser ?
Pas du tout. Il existe plusieurs dizaines de services commerciaux qui proposent des VPN, sur ordinateur ou sur téléphone. Moyennant un abonnement, en général de quelques euros par mois, leurs utilisateurs peuvent installer et utiliser une application pour faire passer tout ou partie de leur navigation par ce VPN.
Ces services ont connu une popularité grandissante ces dernières années, notamment dans les pays où le Web est censuré, mais aussi dans les pays démocratiques : ces outils permettent aussi par exemple de télécharger illégalement en prenant moins de risques d’être repéré, ou de se connecter à des services qui sont limités géographiquement. Des utilisateurs de Netflix utilisent par exemple des VPN pour accéder au catalogue américain du service de vidéo, mais l’entreprise a commencé, en 2016, à bloquer ces connexions.
Pourquoi la Chine et la Russie s’en prennent-elles aux VPN ?
Les deux situations sont similaires, avec quelques différences. En Chine, où Internet est largement censuré, les applications de VPN sont très populaires auprès de la population la plus connectée, en particulier dans les grandes villes, et bénéficiaient jusqu’à peu d’une forme de tolérance. Les VPN sont aussi très utilisés par les entreprises, notamment les multinationales ou les start-up basées en Chine, qui en ont besoin pour accéder à des services internationaux, à des serveurs d’entreprise ou à des sites bloqués dans le pays.
Pékin a largement durci, ces dernières années, sa législation de contrôle du Web, notamment ces derniers mois, alors que se profile un important congrès du Parti communiste. Après l’annonce en janvier d’un plan dit de « nettoyage » pour « reconquérir la souveraineté chinoise sur Internet », le gouvernement chinois a demandé, le 11 juillet, aux entreprises de télécommunications de fermer tout accès aux VPN avant le 1er février 2018. Déjà, samedi 29 juillet, Apple a, sur demande des autorités chinoise, retiré de son magasin d’applications en ligne tous les VPN qui s’y trouvaient.
En Russie également, les lois de contrôle du Web se sont multipliées ces dernières années. Vladimir Poutine a signé, le week-end du 29-30 juillet, un projet de loi adopté par le Parlement interdisant de facto les VPN dans le pays, ainsi que d’autres logiciels permettant de contourner la censure, comme le navigateur Tor. Une décision justifiée par le Kremlin comme nécessaire à la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et d’autres délits. Mais qui arrive également à quelques mois de l’élection présidentielle, prévue en mars.
Le logiciel Tor, un navigateur qui permet de surfer sur Internet de façon anonyme, est également dans le collimateur du pouvoir russe. Dmitri Bogatov, un jeune homme qui administrait un « nœud » du réseau utilisé par Tor pour anonymiser les communications dans le pays, fait l’objet de poursuites judiciaires – le juge estime qu’il est légalement responsable de toutes les communications qui ont transité par ce « nœud », qu’il en soit ou non à l’origine.
Quelles ont été les réactions à ces interdictions ?
Les défenseurs des droits de l’Homme ont vivement critiqué ces interdictions. Le lanceur d’alerte Edward Snowden, qui avait révélé l’existence du système de surveillance secret d’Internet de l’agence américaine NSA, a dénoncé des mesures contre-productives : « Interdire des outils de protection basiques rend la Russie à la fois moins libre et moins sûre. C’est une décision tragique », écrit-il sur Twitter, affirmant qu’« en Chine, en Russie ou ailleurs, il faut être clair : ces politiques ne sont pas une “régulation”, mais une violation des droits de l’Homme ».
Whether enacted by China, Russia, or anyone else, we must be clear this is not a reasonable "regulation," but a vio… https://t.co/ovFqes3oNw
— Snowden (@Edward Snowden)
Les éditeurs de VPN ont, eux aussi, vivement critiqué ces deux interdictions, et encore plus le retrait de leurs applications de l’App store d’Apple en Chine. Une partie des critiques vise directement Apple, accusée d’avoir cédé à la pression et choisi de faire une entorse aux droits de l’Homme pour préserver ses activités en Chine, deuxième plus grand marché du constructeur américain.
Par le passé, Pékin a souvent sanctionné les géants du Web occidentaux dont la coopération était jugée insuffisante – en plus de Facebook, toujours interdit dans le pays, Microsoft ou Google ont fait l’objet de sanctions ou d’interdictions.