Des voyageurs gare Montparnasse, à Paris, le 30 juillet 2017, après l’interruption du trafic ferroviaire. | JACQUES DEMARTHON / AFP

Editorial du « Monde » La pagaille se termine donc par un rapport. Quatre jours seulement après l’immense pataquès qui a bloqué plus de 50 000 voyageurs en partance ou à destination de la gare Montparnasse, à Paris, la ministre des transports, Elisabeth Borne, a vu atterrir sur son bureau un document de 28 pages, rédigé par la SNCF et préconisant des mesures d’amélioration du système d’information des voyageurs et l’établissement rapide de « procédures d’exploitation des grandes gares en situations dégradées ». Bonne idée. La vision de milliers de voyageurs errant dans le chaos informationnel de la gare parisienne permet de penser qu’il y a de bonnes marges d’amélioration dans ce domaine. La ministre demande un point d’étape officiel d’ici trois mois.

Un malaise plus profond

Affaire quasiment classée, donc, pour l’Etat, qui a réagi vigoureusement, et pour le patron de la compagnie ferroviaire, Guillaume Pepy, qui a fait acte de contrition et promet de retrousser ses manches. Classée ? Pas si sûr. Car, derrière l’extinction de l’incendie spectaculaire de ce dimanche 30 juillet, des braises rougeoient encore. Ce sont celles d’un malaise plus profond, et que l’on ne peut uniquement attribuer à la malchance.

Qu’il s’agisse des TGV ou des TER, la ponctualité n’est plus au rendez-vous et le service se dégrade.

Depuis de nombreuses années, le service se dégrade et la ponctualité légendaire qui faisait la fierté des cheminots n’est plus au rendez-vous. Qu’il s’agisse des TER ou des TGV, les usagers peuvent constater régulièrement la fréquence des retards. Sur la nouvelle ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux, près de 60 % des trains n’arriveraient pas à l’heure. La discrète Haute Autorité de la qualité dans les transports, organisme gouvernemental, pointe les dérapages : les taux de retard peuvent dépasser les 25 % certains mois et sur certaines lignes.

Nombre d’élus s’alarment de cette situation, et la SNCF elle-même s’est décidée, coïncidence troublante, à commander un rapport interne, remis le 7 juillet dernier, sur « la reconquête de la robustesse des services ferroviaires ». Autrement dit, la capacité à réaliser les services promis aux clients.

Une dette hors de contrôle

Ce qui peut paraître une évidence ne l’est plus forcément. Comme si la SNCF, toute à son développement commercial assis sur la croissance échevelée du TGV et la subtilité de sa politique tarifaire, s’était éloignée de son cœur de métier : gérer au mieux, et chronomètre en main, le flux vertigineux de 15 000 trains par jour.

Après la grande vitesse, la robustesse. Le nouveau rapport rendu hier ne dit rien d’autre. Une nécessité d’autant plus forte que l’équation économique est toujours plus complexe pour un établissement dont la rentabilité se dégrade avec l’extension des lignes, alors que la dette est désormais hors de contrôle.

La rentabilité de la SNCF, lourdement endettée, diminue avec l’extension des lignes.

Dès lors, le nouveau pouvoir a le choix. Soit il suit la voie de la démagogie et de l’hypocrisie de ses prédécesseurs en demandant des efforts d’un côté et en imposant de l’autre la commande de nouvelles rames, pour apaiser une colère sociale, ou l’extension d’une ligne à grande vitesse, pour satisfaire des administrés. Soit il assume sérieusement ses responsabilités : d’une part, en apportant des réponses à la question de la dette de l’entreprise publique qu’il a laissé exploser depuis de longues années, d’autre part, en poussant l’entreprise à réformer en profondeur sa culture managériale et ses priorités.

Avant de faire la leçon à la SNCF, l’Etat serait bien avisé de faire son propre examen de conscience. Une meilleure tutelle ne nuirait pas à une meilleure gestion.