Les contrats aidés visent à favoriser l’emploi des personnes qui rencontrent des difficultés d’accès au marché du travail, en accordant à leur employeur des aides publiques. / BERTRAND GUAY / AFP

« Coûteux » et « inefficaces dans la lutte contre le chômage ». Le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé jeudi 24 août la diminution de 139 000 contrats aidés cette année par rapport à 2016 (un chiffre réévalué par rapport aux 163 000 annoncés par Muriel Pénicaud au début du mois). Selon le ministère du travail, en 2017, la facture s’élève à 2,4 milliards d’euros. Un nouveau coup de rabot pour raison budgétaire, inquiétant pour les associations de défense des handicapés, qui profitent de ce dispositif.

Les contrats aidés visent à favoriser l’emploi des personnes qui rencontrent des difficultés d’accès au marché du travail en accordant à leur employeur des aides publiques. L’Etat finance une part variable du salaire (jusqu’à 95 %) et/ou exonère l’entreprise de cotisations sociales pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans.

Il existe quatre types de convention : le contrat starter pour les jeunes, le contrat unique d’insertion tout public, décliné pour les secteurs marchand et non marchand et l’emploi d’avenir, pour les jeunes peu ou pas qualifiés. Le ministère du travail décide annuellement de l’enveloppe allouée à ce dispositif, puis la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ventile le budget par région. Le conseil régional vote ensuite sa répartition dans les secteurs en fonction des besoins de son bassin d’emploi, et les entreprises remplissent une demande jusqu’à épuisement des crédits. Les taux de prise en charge sont fixés par arrêtés du préfet de région.

44 000 handicapés bénéficiaires

Le handicap constitue l’un des critères d’éligibilité à cette mesure. En France, en 2015, 44 000 personnes handicapées ont bénéficié de cette mesure, d’après la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), soit 10 % de l’ensemble des contrats aidés signés en France. L’association, chargée de gérer le fonds de développement pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), chiffre à 39 % la part de ce dispositif dans les contrats de plus de douze mois, signés avec ce public. En 2015, 19 % des personnes en situation de handicap étaient sans emploi, près du double du taux de chômage en France d’après l’Insee. Seule une des catégories ci-dessous échappe à cette situation au premier trimestre 2017 :

Les contrats aidés sont donc un outil d’insertion professionnelle non négligeable, d’autant que, d’après une étude en 2013 de la Dares, 64 % des recrutements dans le secteur non marchand n’auraient pas eu lieu en l’absence de l’aide. Par conséquent, plusieurs structures ne pourront pas concrétiser les embauches pour lesquelles elles comptaient avec le coup de pouce de l’Etat.

La décision de l’exécutif scandalise Jean-Louis Garcia : « C’est à se demander si, à Bercy, on est capable de travailler avec un peu de cervelle ! », s’énerve le président de l’association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh), considérant que la décision est, en réalité, entre les mains du ministère de l’économie, qui « s’acharne à actionner la calculette » et « à faire des comptes d’apothicaire ».

Fragiliser un public sensible

« Les handicapés vont encore une fois être les premiers à sentir le vent de la tempête, parce qu’ils bénéficient de ce dispositif en tant qu’employés, mais aussi parce que souvent leurs accompagnants spécialisés sont embauchés sous le même régime contractuel. » De quoi fragiliser d’autant plus l’insertion d’un public, d’ores et déjà, sensible. Alors que le ministère prône la nécessité de faire des économies, il évoque dans le même temps la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et juge, non sans ironie : « Quel beau signal social ! »

Sur RMC - BFM-TV, jeudi 24 août, le premier ministre a affirmé : « Nous préférons financer des formations individualisées qui permettent un retour durable à l’emploi. » D’après une responsable d’agence de Cap emploi – souhaitant rester anonyme de peur que les aides publiques pour sa région ne soient réduites –, cette alternative n’est pas adaptée aux handicapés. Si ses inscrits sont généralement éligibles « sur le papier » à une formation, une grande part est âgée de plus de 45 ans. « Ils ont souvent développé une incapacité à la suite d’une profession pénible. Et après une rupture de deux ans, on leur annonce qu’ils ne pourront plus exercer dans le même secteur et devront tout reconstruire. A cet âge-là, ce n’est pas facile de retourner sur les bancs de l’école », précise la responsable.

Bien décidé à faire changer d’avis le gouvernement, Jean-Louis Garcia, de l’Apajh, fera la tournée des ministères la semaine du 28 août au 3 septembre, rencontrant notamment les conseillers du premier ministre, Edouard Philippe, et du ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin. « On sait que l’été, c’est la saison des mesures tordues, annonce M. Garcia. Mais quand on propose une mauvaise mesure, il est toujours temps de la retirer. »