Tourisme : « La violence n’empêchera pas les gens d’aller où ils veulent »
Tourisme : « La violence n’empêchera pas les gens d’aller où ils veulent »
Propos recueillis par Annie Kahn
Pour Amy Zalman, experte américaine en matière de sécurité, les attaques terroristes « n’ont pas de conséquences sur le long terme ».
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Ancienne présidente de la World Future Society, une association américaine créée en 1966, Amy Zalman est aussi une experte en matière de sécurité. Elle a été présidente du service d’intégration de l’information au ministère de la défense américain et professeure de sécurité nationale au National War College de Washington.
Les attaques terroristes, comme celles, récentes, en Catalogne, entravent régulièrement le développement du tourisme. Quel est l’avenir de cette économie ?
Les attaques terroristes ne nuisent au tourisme que pendant une courte période. On le voit en France. Le tourisme a ralenti après les attaques de 2016, mais est reparti à la hausse en 2017. Ce fut la même chose aux Etats-Unis.
Le tourisme ralentit actuellement en Turquie, mais il a augmenté en Israël au printemps 2017. Ce pays profite vraisemblablement des visiteurs qui seraient allés en Turquie dans un contexte politique différent.
Il y aura vraisemblablement de plus en plus d’actes terroristes isolés : un chauffeur de camion qui roule dans la foule, un kamikaze qui se fait exploser… N’importe qui pourra se fabriquer une arme avec une imprimante 3D. Les lieux publics, comme les aéroports, seront mieux protégés, mais il y aura plus de personnes dangereuses partout dans le monde. Les médias s’en feront l’écho. Tout le monde sera au courant. Ce qui pourrait amener les gens à s’habituer à cette violence. Elle ne les empêchera pas d’aller où ils veulent.
Que devront faire les pays pour apparaître comme sûrs ?
C’est pour beaucoup une histoire de perception. Certains pays sont perçus comme dangereux, alors qu’ils ne le sont pas. C’est le cas des Etats du Moyen-Orient pour les Américains depuis vingt-cinq ans. Certes, la Syrie n’est pas aujourd’hui une destination de villégiature, mais ce ne fut pas le cas pendant des années. Israël n’est pas un pays dangereux au quotidien. Idem pour la Jordanie, qui se bat contre le terrorisme depuis les années 1970. New York est devenue très sûre depuis les années 1990 quand le maire Rudy Giuliani l’a sécurisée. Mais l’image véhiculée par les films ne meurt pas du jour au lendemain, et l’image de New York, ville dangereuse, a perduré plusieurs années.
Quels types de services devront donc proposer les Etats ou les régions ?
La sécurité va devenir un critère de choix comme un autre pour les touristes, au même niveau que la nourriture, le temps qu’il fait, la qualité des hôtels.
Aucun pays ne peut prévoir parfaitement les attaques et se protéger totalement contre elles. Pour rendre les villes plus sûres, il faut que la totalité des acteurs – hôtels, compagnies aériennes, etc. – travaillent ensemble, afin de créer les conditions qui feront ressentir au voyageur que le pays est plus sûr. Il faudrait qu’un consortium crée un indicateur de sécurité. Et peut-être faudrait-il un fonds qui aide les pays qui paraissent moins sûrs à changer d’image.
Pensez-vous que le tourisme peut aider à réduire le niveau de violence ?
Il serait simpliste de dire que le tourisme peut aider à lutter contre le terrorisme. Mais aller d’un pays à un autre, d’une région à une autre, est un bien pour l’humanité. Améliorer le tourisme et réduire le terrorisme sont deux objectifs convergents.
Cet article fait partie d’un dossier réalisé en partenariat avec PPP Agency, organisateur des Entretiens de Vixouze (Forum international du tourisme du futur).