Biennale de Lyon : une passerelle des arts au-dessus d’un monde troublé
Biennale de Lyon : une passerelle des arts au-dessus d’un monde troublé
Par Harry Bellet
Sous l’égide de la commissaire invitée, Emma Lavigne, la 14e édition de la Biennale de Lyon accueille, jusqu’au 7 janvier 2018, une nébuleuse d’artistes qui font écho à l’instabilité des temps.
Installation de l’artiste brésilien Ernesto Neto, au MAC Lyon. / Morgan Fache/ Collectif Item pour « Le Monde »
La 14e Biennale d’art contemporain place Lyon au centre de « mondes flottants ». Ainsi l’a voulu la conservatrice française Emma Lavigne, commissaire invitée, en référence à l’ukiyo-e, les « images du monde flottant », ainsi qu’au Japon on désigne les estampes produites durant l’époque d’Edo, qui mettaient en avant l’instabilité de toutes choses.
Elle a sélectionné environ 90 artistes, mais ils sont bien plus si l’on prend en compte la nébuleuse créée autour du corps principal de l’événement, réuni en trois lieux (la Sucrière, le Musée d’art contemporain et un dôme géodésique installé place Antonin-Poncet). Car la Biennale, c’est aussi une exposition collective de jeunes artistes à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne intitulée « Rendez-vous », choisis pour partie chez ceux issus des écoles d’art de la région, pour partie par les représentants de biennales lointaines comme Djakarta (Indonésie), Lubumbashi (République démocratique du Congo), Chardja (Emirats arabes unis) et bien d’autres.
Pour Thierry Raspail, le directeur de la manifestation lyonnaise, il s’agit de « faire le point sur l’actualité des arts plastiques dans un monde devenu plus grand ». De son côté, le maire de Lyon, Georges Képénékian, se félicite de l’implication des écoles d’art et insiste sur le fait que « la Biennale n’est pas réservée à quelques-uns ». Il fait allusion à « Veduta », ce programme par lequel des artistes sont invités à travailler avec des habitants de l’agglomération, dans des quartiers considérés comme difficiles. C’est ainsi, par exemple, que Shimabuku a fait voltiger des vaches sous forme de cerfs-volants confectionnés par des volontaires dans un parc de Vaulx-en-Velin.
D’autres, apparemment plus éloignés du fracas de ce monde, participent aussi à la Biennale. C’est le cas de la communauté des dominicains du couvent Sainte-Marie de La Tourette, dont le prieur convie chaque année un artiste contemporain à prendre possession des lieux construits par Le Corbusier, avec cette fois-ci Lee Ufan, qui y a travaillé sur le thème des « chambres de silence », pièces traditionnelles au Japon réservées à la cérémonie du thé. De son côté, la Fondation Bullukian reçoit Lee Mingwei. Enfin, près de 120 lieux de la région, et au-delà puisque la liste comprend le Musée d’art contemporain de Genève, s’associent à l’événement, sous le label « Résonance ».
Rayonnement international
Tout cela a un coût. Le budget de la Biennale s’élève à 6 millions d’euros, dont 1,5 million pour la production artistique. Elle pense attirer, comme à la précédente édition, 250 000 visiteurs qui génèrent des retombées économiques non négligeables. David Kimelfeld, président de la métropole, espère aussi accroître la part du mécénat en impliquant mieux les entreprises dans la vie de cet événement culturel. Georges Képénékian est optimiste, rappelant qu’il s’agit d’une tradition lyonnaise : l’hôtel de ville fut ainsi construit en 1643 par le prévôt des marchands de la ville.
L’un et l’autre sont aussi conscients de ce que cette biennale, comme celle de la danse, avec laquelle elle alterne, fait beaucoup pour la renommée internationale de la capitale des Gaules. Thierry Raspail le confirme : à son arrivée pour créer le Musée d’art contemporain, en 1984, Lyon avait une image, « disons, un peu compassée… »
La création de la Biennale en 1991, sous l’égide du délégué aux arts plastiques du ministère de la culture d’alors, Dominique Bozo, a changé la donne. Elle est désormais reconnue comme une des cinq meilleures du monde. Et son implantation pour partie dans les anciens entrepôts de la Sucrière a contribué à transformer un quartier jadis en déshérence : les plus grands architectes s’y sont précipités, dont les très joyeux Jakob et MacFarlane, qui y ont bâti le siège d’Euronews. Un nouveau lieu, le Mob Hôtel, délicieusement loufoque, vient d’être inauguré en face il y a peu. Sous l’impulsion de ses édiles successifs – et l’on n’aura garde d’omettre Gérard Collomb –, Lyon est devenue une ville à la pointe de la modernité. La Biennale y est pour beaucoup.
Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec la Biennale de Lyon.