Harcèlement sexuel : Rugy s’engage à lever l’immunité parlementaire en cas d’« obstacle » à la justice
Harcèlement sexuel : Rugy s’engage à lever l’immunité parlementaire en cas d’« obstacle » à la justice
Par Alexandre Lemarié
Un député ne peut faire l’objet d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté sans l’autorisation du bureau de l’Assemblé.
Dans la foulée de l’affaire Weinstein, le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, affiche sa volonté de renforcer la lutte contre le harcèlement sexuel au sein de l’institution. Mercredi 25 octobre, il a annoncé que tout député poursuivi pour harcèlement sexuel verrait son immunité levée. « Si jamais un député voulait utiliser son immunité parlementaire pour refuser de répondre à la justice ou faire obstacle au bon fonctionnement la justice, je plaiderais pour que l’immunité parlementaire soit levée », a-t-il déclaré devant des journalistes, réitérant des propos qu’il avait tenus le jour même dans un entretien au Parisien. Une précision importante, sachant qu’un député ne peut faire l’objet d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté sans l’autorisation du bureau de l’Assemblée, sa plus haute instance collégiale, sauf en cas de crime ou flagrant délit.
L’ex-écologiste, élu en juin sous les couleurs de La République en marche, a rappelé qu’à l’Assemblée, « une référente » est à la disposition des collaborateurs qui veulent signaler des cas de harcèlement depuis 2013. « Elle a déjà eu à accompagner un certain nombre de collaboratrices de député », a-t-il dit. M. de Rugy a souligné l’importance de ce « soutien » visant à « actionner une procédure judiciaire », car « il n’est pas forcément facile de témoigner ou d’aller porter plainte ».
« Les députés ne sont pas au-dessus des lois »
Le président de l’Assemblée nationale a également rappelé qu’il avait instauré « une nouveauté au début de ce mandat ». Depuis juillet, les coordonnées de la personne référente au Palais-Bourbon en matière de harcèlement sont fournies à tous les collaborateurs et collaboratrices de l’Assemblée lorsqu’ils signent leur contrat de travail. « Les députés ne sont pas au-dessus des lois », a-t-il insisté. Sans nier qu’il puisse exister des cas de harcèlement au sein de l’institution qu’il préside, il a tenu à mettre en garde contre tout amalgame : « Je ne veux pas que l’on dise que tous les députés sont des harceleurs en puissance — cela n’a jamais été le cas et n’est pas le cas. »
L’Assemblée nationale n’est pas épargnée par les révélations sur des faits de harcèlement ou d’agression sexuelle depuis le début de l’affaire Weinstein.
Le 22 octobre, Marine Tondelier, élue Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) à Hénin-Beaumont, a dénoncé l’attitude de certains députés. Elle a raconté qu’il existait une liste noire d’élus du Palais-Bourbon à éviter par les femmes, lors de la précédente législature, lorsqu’elle était attachée parlementaire de Cécile Duflot. « Il y a des noms de parlementaires qui circulaient entre collaboratrices, car on savait qu’il ne fallait pas prendre l’ascenseur avec eux. Il y avait un risque qu’ils vous collent une main aux fesses et qu’il y ait des histoires », a-t-elle dit sur France 2.
L’existence d’une « liste noire » contestée
François de Rugy a démenti formellement l’existence d’une « liste noire de députés » harceleurs. « Ce sont des faits graves. Je suis très heureux qu’il y ait une libération de la parole mais il faut aussi faire attention que ne se joignent pas à cette libération de la parole des accusations injustifiées. La meilleure façon de le savoir, c’est que la justice fonctionne […] On ne doit pas se fonder sur des rumeurs mais établir des faits. On doit soutenir les personnes qui s’estiment victimes, que des faits soient établis, que des condamnations soient prononcées », a-t-il déclaré mercredi. Avant d’ajouter : « Si on veut lutter contre le sentiment d’impunité qui a pu exister sur ce sujet grave, il faut aussi que des condamnations judiciaires soient prononcées. »
Le député LRM de la Moselle Christophe Arend fait l’objet d’une enquête préliminaire pour harcèlement et agression sexuelles. Ouverte le 23 octobre par le parquet de Sarreguemines, cette enquête fait suite à une plainte déposée par l’ex-assistante parlementaire de M. Arend qui l’accuse d’avoir multiplié « les remarques sexistes » et les gestes déplacés, et d’avoir « tout fait pour [la] faire craquer ». L’élu, qui conteste ces accusations « avec la plus grande fermeté », a porté plainte le 20 octobre pour dénonciation calomnieuse.
Ces dernières années, la liste est longue d’actes sexistes, jusqu’à des révélations d’agressions sexuelles, dans le monde politique. L’ex-vice président EELV de l’Assemblée, Denis Baupin, a notamment été accusé en 2016 par plusieurs élues de harcèlement et d’agression sexuelles — l’enquête a été classée sans suite à cause de la prescription de trois ans, malgré des accusations « corroborées », selon le parquet.